Paris – Londres – Ottawa – Jérusalem — Dans un communiqué conjoint au ton grave et mesuré, la France, le Royaume-Uni et le Canada ont appelé ce lundi à un « cessez-le-feu immédiat » dans la bande de Gaza, invoquant l’urgence humanitaire et la nécessité de préserver le droit international. Les trois puissances atlantiques, historiquement alliées d’Israël, marquent ainsi un tournant diplomatique, dans un conflit devenu l’un des plus sensibles et polarisants de la scène internationale contemporaine.
Mais à Jérusalem, la réponse est ferme, presque sourde : Israël « ne se pliera pas aux pressions extérieures » et affirme que son action militaire vise à « défendre son existence et sa sécurité » contre un ennemi – le Hamas – qui, selon les mots du gouvernement Netanyahou, « cherche ouvertement sa destruction ».
Une fracture diplomatique maîtrisée, mais réelle
L’appel franco-britanno-canadien, bien qu’habillé du langage du droit humanitaire, témoigne d’un agacement croissant parmi les alliés traditionnels d’Israël. Le nombre de victimes civiles, les destructions massives à Gaza, et l’impossibilité d’un couloir humanitaire stable mettent à l’épreuve la solidarité historique forgée dans les décennies d’après-guerre.
À Paris, Emmanuel Macron a choisi des mots pesés : « La sécurité d’Israël ne peut s’affirmer dans le chaos humanitaire. » À Londres, Keir Starmer évoque un « besoin d’équilibre » entre légitime défense et responsabilité collective. Et à Ottawa, Mark Carney parle de « dignité humaine commune », dans une allusion claire à la disproportion perçue des frappes israéliennes.
Une guerre devenue miroir d’un désordre mondial
Le conflit à Gaza dépasse depuis longtemps ses seules dimensions géographiques. Il est devenu un miroir : celui d’un monde divisé entre une lecture sécuritaire des conflits et une approche universaliste des droits. Pour Israël, le Hamas n’est pas une simple entité politique mais une menace existentielle, inscrite dans un récit post-Shoah et entourée de voisins hostiles.
De l’autre côté, de plus en plus de pays occidentaux – France et Canada en tête – insistent sur le respect des conventions de Genève, sur la protection des civils, et sur la nécessité d’un cadre politique de résolution. Mais la diplomatie se heurte ici à une logique d’absolu : pour Netanyahou, tout cessez-le-feu non précédé de la reddition du Hamas serait une victoire pour l’ennemi.
Une Europe divisée, une Amérique ambivalente
En toile de fond, l’Europe elle-même reste divisée. Tandis que Berlin maintient son soutien sans réserve à Israël, des voix s’élèvent en Espagne, en Belgique ou en Irlande pour réclamer non seulement un cessez-le-feu, mais aussi des sanctions ciblées.
Washington, sous la présidence Trump, joue une partition ambiguë, alternant messages de soutien ferme à Israël et pressions discrètes pour éviter un effondrement humanitaire trop visible, politiquement coûteux à l’approche des élections. L’appel franco-britannique-canarien est donc aussi un signal : les puissances moyennes cherchent à recréer un espace diplomatique là où les grandes puissances hésitent.
Entre droit et récit : l’impasse ?
La question centrale reste sans réponse claire : peut-on exiger un cessez-le-feu d’un État qui estime sa survie menacée ? Le droit international, invoqué par les chancelleries, se heurte à une souveraineté militarisée, une mémoire traumatique et une perception du conflit comme guerre de civilisation.
Israël, dans sa posture d’intransigeance, continue de se penser comme exception : une démocratie en guerre perpétuelle, un État de droit cerné par la haine. Et tant que le monde ne parviendra pas à réconcilier cette exception avec l’universalité des normes, le cessez-le-feu demeurera une injonction morale sans prise réelle