Le méthane, bien que souvent relégué au second plan face au dioxyde de carbone, représente un danger climatique encore plus pressant. Principal composant du gaz naturel, ce gaz à effet de serre possède un pouvoir de réchauffement plus de 80 fois supérieur à celui du CO₂ sur une période de vingt ans. Une récente étude menée par l’Agence internationale de l’énergie (AIE) révèle que l’Eurasie figure parmi les principaux responsables mondiaux des émissions de méthane, malgré des engagements politiques en apparence ambitieux.
Des promesses creuses face à une réalité alarmante
Alors que la communauté internationale a lancé plusieurs initiatives de réduction des émissions, le dernier Global Methane Tracker 2025 dresse un constat inquiétant : les émissions n’ont pas encore atteint leur pic. En 2024, plus de 120 millions de tonnes de méthane ont été rejetées dans l’atmosphère à l’échelle mondiale. La région eurasiatique, à elle seule, en a généré 22 millions de tonnes. La Russie, premier pollueur de la zone, en est responsable à hauteur de 60 %. Pourtant, Turkménistan n’est pas en reste, figurant parmi les émetteurs les plus notoires, notamment à travers des fuites spectaculaires détectées par satellite.
Des satellites au secours de la vérité
Grâce au Methane Alert and Response System, un système de surveillance spatiale, de nombreuses fuites massives ont été identifiées au Turkménistan, représentant un tiers de toutes les observations mondiales. En Russie, les données sont plus fragmentaires en raison des conditions climatiques, mais près de 90 panaches ont tout de même été enregistrés en 2024. L’un des cas les plus dramatiques reste celui du Kazakhstan, où une fuite non détectée pendant six mois a libéré 127 000 tonnes de méthane — un désastre passé presque inaperçu.
Un paradoxe eurasiatique : des initiatives, peu de résultats
Malgré l’adhésion de tous les pays de la région à des initiatives comme Zero Routine Flaring by 2030 de la Banque mondiale, les résultats se font attendre. Seule l’Azerbaïdjan présente une intensité de méthane inférieure à la moyenne mondiale, preuve d’un effort de contrôle efficace. La Russie, quant à elle, refuse toujours de s’associer au Global Methane Pledge, une promesse collective soutenue par l’Union européenne et les États-Unis visant une réduction de 30 % des émissions d’ici 2030.
Des solutions abordables ignorées
Ce qui rend la situation encore plus absurde, c’est que 70 % des émissions liées aux énergies fossiles pourraient être éliminées à faible coût grâce à des technologies existantes. En Eurasie, environ 45 % des émissions en 2024 auraient pu être évitées sans frais nets, les économies potentielles surpassant les coûts de mise en œuvre. Le déploiement de programmes de détection et de réparation des fuites (LDAR) se présente comme la solution la plus efficace — mais demeure sous-utilisé dans la région.
Un avenir énergétique sous surveillance
L’Union européenne, dans son effort pour décarboner ses importations énergétiques, pourrait bientôt tourner le dos à des fournisseurs trop polluants. Le Turkménistan, désireux de renforcer ses exportations vers l’UE, risque d’être exclu à cause de ses niveaux élevés d’émissions. Toutefois, quelques signes positifs émergent : le site du Cratère de Darvaza, surnommé “les Portes de l’Enfer”, a récemment vu ses émissions diminuer grâce à des mesures de containment. Un symbole, peut-être, d’un tournant vers une gestion plus responsable des ressources fossiles.