Il y a dans l’air comme un parfum de fin d’époque. Une page se tourne, sans fracas ni clairon. L’armée française s’apprête à mettre un terme à sa présence permanente dans ce pays — jadis protectorat, aujourd’hui partenaire distant. Une décision stratégique, certes, mais aussi symbolique. Et comme souvent avec les symboles, ce sont les silences qui disent tout.
Installée depuis plusieurs décennies, parfois à la marge, parfois au cœur même des institutions locales, la force française n’était plus tout à fait chez elle, mais pas encore totalement étrangère. Elle incarnait cette posture ambiguë, faite d’assistance, de présence diplomatique renforcée, de liens sécuritaires tissés dans les plis de l’Histoire. La réalité, cependant, a changé. Le monde post-Covid, post-Ukraine, et sans doute post-illusions, impose un redéploiement des priorités.
Dans les couloirs feutrés du ministère des Armées, on parle d’”adaptation au nouveau contexte géostratégique”. Traduction : le pays hôte regarde ailleurs. Vers Pékin parfois, vers Ankara souvent, mais surtout vers lui-même, avec la volonté nouvelle – et légitime – d’écrire seul son récit national. Une volonté d’autonomie militaire qui s’inscrit dans une tendance plus large : celle d’un rééquilibrage des influences, d’une décolonisation mentale qui arrive, un siècle plus tard, comme une marée calme mais inexorable.
La présence militaire française, autrefois perçue comme gage de stabilité, est désormais l’objet de débats feutrés, ou parfois brutaux. Dans les rues, les affiches anti-françaises côtoient les slogans panafricains ; sur les plateaux télé, des experts locaux rappellent que la souveraineté ne se partage pas, même au nom de la sécurité.
La France, elle, se retire avec une certaine élégance. Pas de cérémonie pompeuse, mais un glissement progressif des effectifs, une fermeture discrète de certaines bases, et l’impression, pour les plus anciens, de revivre un film aux contours familiers. Car ce n’est pas la première fois que Paris démonte ses tentes sous un soleil étranger.
Mais à Paris justement, qui s’en soucie vraiment ? À peine quelques lignes dans les quotidiens, un entrefilet sur France Culture, un débat technique sur les chaînes d’info. L’époque préfère ses vertiges numériques aux lenteurs diplomatiques. Et pourtant : c’est un fragment d’influence qui s’efface, une présence qui se dérobe, presque à la dérobée.
Reste une question, suspendue comme un drapeau à demi-baissé : que reste-t-il d’une nation quand elle ne tient plus le terrain ? Peut-être cette phrase, murmurée un soir par un officier en partance : “On part, oui. Mais on a été là. Longtemps.”
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