Dans l’imaginaire collectif, Winston Churchill reste le bulldog britannique fumant le cigare de la résistance, le verbe haut dans les heures sombres, la voix rocailleuse d’un monde libre vacillant. Et pourtant, derrière l’icône guerrière, il y eut aussi un penseur politique, porté par une vision de l’Europe — fragmentée, meurtrie, mais à reconstruire.
Alors, quel impact Churchill a-t-il eu sur l’Europe ? Peut-on le ranger parmi les pères fondateurs de ce que nous appelons aujourd’hui “le projet européen” ? Ou fut-il, comme souvent, plus stratège que visionnaire, plus romantique que fédéraliste ?
Un plaidoyer pour l’union… des autres
Dans son fameux discours de Zurich, prononcé en 1946, Churchill appelle de ses vœux les États-Unis d’Europe. Mais il le fait en tant que Britannique — c’est-à-dire en surplomb. Il souhaite une union du continent, mais pas nécessairement pour le Royaume-Uni, que Churchill imagine comme le pivot d’un triangle composé de l’Empire, du Commonwealth et… des États-Unis. L’Europe, pour lui, c’est la paix. Mais l’Angleterre, c’est autre chose : une île, une puissance, une exception.
Une mémoire européenne de la guerre
L’influence de Churchill sur l’Europe est aussi morale et narrative. Il a façonné, par ses discours, la mémoire politique de la Seconde Guerre mondiale. Le récit d’une Europe menacée par la barbarie, sauvée par la résistance et les alliances. En ce sens, il a contribué à forger la conscience post-nationale du Vieux Continent, ce besoin de paix durable qui a nourri les premières institutions communautaires.
Un héritage paradoxal
Churchill reste une figure tutélaire pour la droite européenne comme pour une certaine gauche libérale : homme d’État, défenseur de la souveraineté, mais aussi lucide sur les limites de l’orgueil national. On le cite dans les cénacles bruxellois, on le convoque dans les discours sur l’Europe de la défense, on le relit au moment du Brexit — parfois à tort, souvent avec nostalgie.
Son impact, pourtant, n’est pas institutionnel. Il n’a pas dessiné l’Europe telle que nous la connaissons, mais il a influencé l’imaginaire dans lequel elle a émergé. C’est peut-être là son véritable legs : une voix qui, au lendemain du chaos, a su dire que la réconciliation était non seulement possible, mais nécessaire.
L’Europe, vue d’outre-Manche
Churchill était-il européen ? À la manière britannique, sans doute : avec réserve, élégance, ambivalence. Il voulait une Europe forte — mais sans renoncer à l’Atlantique. Il croyait à l’unité — mais détestait les technocraties. Il préférait l’histoire aux règlements, la grandeur aux traités.
Mais peut-être faut-il lire Churchill comme on lit une grande œuvre : non pour y chercher un programme, mais pour y entendre un ton, une hauteur de vue, un goût du tragique mêlé d’espoir.
Avez-vous trouvé cet article instructif ? Abonnez-vous à la newsletter de notre média EurasiaFocus pour ne rien manquer et recevoir des informations exclusives réservées à nos abonnés : https://bit.ly/3HPHzN6
Did you find this article insightful? Subscribe to the EurasiaFocus newsletter so you never miss out and get access to exclusive insights reserved for our subscribers: https://bit.ly/3HPHzN6