Il est venu sans triomphalisme. À La Haye, ce n’est pas un président en campagne qui s’est présenté, mais un chef d’État fatigué, debout dans l’histoire, les traits tirés par trois années de guerre. Volodymyr Zelensky est apparu grave, digne, presque désarmé – au sens propre comme au sens figuré. Face aux institutions européennes, il a dit merci. Un merci sincère, mais aussi un peu désespéré. Car les remerciements, en diplomatie, sont souvent le masque poli de la détresse.
L’Ukraine manque de munitions. Les chiffres sont têtus : 40 % du budget prévu pour l’armement ukrainien cette année n’est toujours pas bouclé. Depuis janvier, aucune nouvelle annonce militaire de la part de Washington. L’ombre de Donald Trump plane comme une menace diffuse sur la solidarité atlantique. L’homme fort de Mar-a-Lago, revenu en campagne, joue la montre, ou l’oubli.
L’Europe, elle, a pris le relais. À contre-emploi. Ce vieux continent, qu’on disait prudent, lent, incapable d’agir sans sommets interminables, est devenu – à la surprise générale – le premier bailleur militaire de Kiev : 72 milliards d’euros, contre 65 pour les États-Unis. Une inversion des rôles qui n’a rien d’anodin. Le Royaume-Uni, en post-Brexit lucide, et les pays nordiques, hantés par le voisin russe, tiennent la barre. Pendant que l’UE, par la voix d’Ursula von der Leyen, rassure : « L’Europe est l’amie de l’Ukraine. » On aurait presque cru entendre une promesse. Ou un adieu anticipé.
Car le temps, lui, ne promet rien. Il ronge. Il use. Et pour la Russie, il travaille en silence. La guerre est entrée dans son dernier quart d’heure – cette zone floue où tout peut se jouer, ou tout peut s’effondrer. L’été sera décisif. L’armée ukrainienne fait face à une pression constante, mécanique, presque industrielle. Moscou avance mètre par mètre, comme on laboure une terre hostile. L’Ukraine résiste avec ce qu’il lui reste : la rage, la ruse, et le peu de stocks disponibles.
Dans les couloirs de La Haye, entre deux accolades protocolaires, Zelensky cherche des armes. Encore. Toujours. Ce n’est pas une diplomatie d’expansion, c’est une diplomatie de survie. Il ne vend plus un avenir européen. Il mendie des obus. Et les capitales, pendant ce temps, prennent la mesure du tragique.
L’Europe soutient. Mais jusqu’à quand ? Et surtout, à quelle intensité ? L’Ukraine n’est plus un symbole. Elle est un test. Un révélateur. De notre endurance. De notre courage. Et peut-être, de notre fatigue aussi.
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