C’est une image rare, presque insolite, dans la cacophonie diplomatique qui entoure l’escalade dramatique entre Israël et l’Iran. Moscou et Ankara, souvent rivales, parfois partenaires ambigus, ont trouvé une étrange harmonie dans la gravité. Vladimir Poutine et Recep Tayyip Erdogan, deux hommes forts d’un monde multipolaire en recomposition, ont lancé ce matin un appel commun à la « cessation immédiate des hostilités » entre les deux puissances du Moyen-Orient.
Un communiqué laconique, diffusé simultanément par le Kremlin et le palais de Çankaya, évoque la nécessité d’une « désescalade urgente » et d’un « retour au dialogue dans le cadre du droit international et de la souveraineté des États ». À Moscou, le ton est grave ; à Ankara, empreint de l’inquiétude d’un voisin direct d’un brasier régional.
La diplomatie des pragmatismes
Il serait tentant de voir dans cet appel une manœuvre conjoncturelle, dictée par les intérêts stratégiques de deux puissances désireuses de préserver leur influence dans la région. Mais ce serait négliger une vérité plus profonde : l’instinct de conservation de deux régimes qui, chacun à sa manière, façonnent l’ordre post-occidental.
La Russie, partenaire militaire de l’Iran en Syrie mais en affaires avec Israël, joue ici un exercice d’équilibrisme sophistiqué. Quant à la Turquie, membre fondateur de l’OTAN et soutien traditionnel de la cause palestinienne, elle se positionne de plus en plus en arbitre incontournable des tensions régionales.
Un monde sans gardien
La prise de parole de Poutine et d’Erdogan intervient alors que Washington semble englué dans ses débats électoraux, que Bruxelles s’essaie sans conviction à la médiation, et que Pékin, d’ordinaire discret, reste muet.
L’appel conjoint des deux autocrates, au-delà de sa portée immédiate, souligne une vérité dérangeante pour les chancelleries occidentales : dans un monde privé de gendarmes, ce sont parfois les fauteurs d’ordre illibéral qui se muent en prétendus garants de la stabilité.
Reste à savoir si Téhéran et Tel-Aviv, pris dans une spirale de représailles et d’orgueil stratégique, prêteront l’oreille à ces voix étrangères. Ou si la logique de la guerre continuera, implacable, son cours aveugle.