Washington – Tel-Aviv – Paris.
La diplomatie est un art de la nuance. Mais il arrive que certains représentants s’en affranchissent avec fracas. C’est le cas de Mike Huckabee, nouveau ambassadeur d’Israël aux États-Unis et ancien gouverneur de l’Arkansas, qui a fait une entrée fracassante sur la scène internationale en déclarant, lors d’un forum évangélique à Dallas :
« Si la France tient tant à un État palestinien, qu’elle cède la Côte d’Azur. »
Une phrase aussi brutale qu’absurde ? Peut-être. Mais dans le climat de surchauffe diplomatique actuel, ce type de rhétorique ne relève pas seulement de la provocation. Il marque une volonté politique assumée : déplacer les lignes, y compris au prix de l’outrance.
Huckabee : un ambassadeur ou un prédicateur ?
Connu pour ses positions conservatrices, Mike Huckabee n’est pas un diplomate de carrière. C’est un pasteur baptiste, un candidat républicain malheureux aux primaires de 2008 et 2016, et un fervent défenseur de la droite chrétienne américaine. Sa nomination par le gouvernement Netanyahu — assumée comme un geste d’alliance avec le trumpisme religieux — envoie un message limpide : le dialogue entre Jérusalem et Washington ne passera plus par les filtres modérés du Département d’État, mais par la ferveur idéologique.
En ciblant la France — « trop complaisante avec l’idée d’un État palestinien » selon lui — Huckabee entend rejouer l’antienne d’un Israël isolé, assiégé, incompris. Une rhétorique bien connue, mais qui prend ici une forme caricaturale, presque théâtrale.
La France, bouc émissaire diplomatique ?
Paris paie le prix de sa constance. Depuis plusieurs mois, Emmanuel Macron et son ministre des Affaires étrangères se sont positionnés avec fermeté pour un cessez-le-feu immédiat à Gaza et pour une relance du processus de paix, incluant la reconnaissance d’un État palestinien viable.
Or, aux yeux du gouvernement israélien — et de ses relais les plus intransigeants comme Huckabee — cette posture devient une trahison. La France est perçue non plus comme une médiatrice, mais comme une fausse alliée. D’où cette charge, aussi surréaliste qu’hostile, contre la « Côte d’Azur » — image symbolique d’un territoire de luxe, d’insouciance, qui serait offerte à des Palestiniens jugés, eux, comme intrus sur leur propre terre.
Une tension révélatrice du nouveau discours israélien
Au-delà de la sortie provocatrice, les mots de Huckabee révèlent un tournant idéologique. Israël, porté par la droite religieuse et les alliances internationales de circonstance, ne cherche plus à séduire ou à convaincre. Il revendique une posture d’affrontement, quitte à mépriser les formes diplomatiques classiques.
Et ce glissement s’inscrit dans une dynamique plus large : la réécriture des équilibres post-1948, où l’existence palestinienne n’est plus simplement niée, mais jugée illégitime à l’échelle narrative même. À ce titre, la déclaration sur la Côte d’Azur n’est pas une gaffe — c’est un signal.
Que peut la France ?
Face à ce type de discours, la France doit choisir entre le silence stratégique et la réaffirmation de ses principes. La diplomatie française, historiquement alignée sur une solution à deux États, pourrait considérer cette attaque comme marginale. Mais en ne répondant pas, elle prend aussi le risque de voir son influence s’éroder dans les instances de médiation.
Et pourtant, la posture française est aujourd’hui plus précieuse que jamais. Car elle incarne une vision postcoloniale, universaliste et mesurée du Proche-Orient. En d’autres termes : un rare contrepoids à la brutalisation du discours géopolitique.
Une Côte d’Azur contre Gaza ? Une fable dangereuse
Au fond, la déclaration de Mike Huckabee n’est pas une plaisanterie maladroite. C’est une manière d’inverser les responsabilités, de détourner le regard, de transformer une crise réelle en provocation rhétorique.
Mais le Proche-Orient n’a pas besoin de fables. Il a besoin de diplomatie. De réalité. Et, surtout, de paix.