Paris – 2025.
À l’heure où l’on interroge la légitimité des élites, où les réseaux sociaux poussent de jeunes visages à incarner l’analyse politique, la longévité de certains noms dans les médias interroge. Et l’un d’eux revient, immuable, presque rassurant : Duhamel. Une signature familière, que ce soit sur un bandeau de BFM, dans les colonnes du Point, ou dans les archives d’Antenne 2.
Alain Duhamel, figure tutélaire du journalisme politique français, est presque devenu une institution. Analyste infatigable de la Cinquième République, il a vu défiler tous les présidents de De Gaulle à Macron, les commentant avec une rigueur encyclopédique et un goût assumé pour la neutralité élégante. Mais derrière cette figure se dessine un héritage, un style, une filiation implicite. Car dans le sillage d’Alain, une constellation d’héritiers – médiatiques, idéologiques, symboliques – continue de façonner le regard français sur la politique.
Une famille de journalistes, une famille de la République
Les Duhamel sont ce que la France aime produire dans ses hautes sphères : une bourgeoisie républicaine cultivée, discrète, connectée aux centres du pouvoir sans jamais y plonger totalement. On pense à Patrice Duhamel, frère d’Alain, ancien directeur général de France Télévisions, ou encore à Jean Duhamel, universitaire et éditeur influent. Loin de former un clan médiatique revendiqué, la famille trace toutefois les contours d’un certain rapport à l’information : réflexif, modéré, structurant.
À l’ère du clash, de la viralité et de l’opinion spectacle, le style Duhamel persiste : celui d’une parole calme, souvent désincarnée, mais toujours dotée d’une autorité sourde. Un ton, plus qu’une idéologie. Une manière de parler du pouvoir sans jamais trop s’y brûler.
Les héritiers : dans les studios, mais plus dans les esprits ?
Mais cette filiation culturelle résiste-t-elle aux mutations actuelles ? Les nouveaux visages de la politique télévisuelle sont plus jeunes, plus militants, plus clivants. On pense à Pascal Praud, Apolline de Malherbe ou Hugo Travers : tous occupent le terrain avec une intensité que n’aurait jamais revendiquée Alain Duhamel.
Et pourtant, le besoin de repères demeure. Dans une époque saturée d’opinions, les figures comme Duhamel conservent une fonction quasi sacerdotale : poser, nommer, tempérer. Ils sont les derniers vestiges d’un journalisme de l’analyse, issu des grandes écoles, imprégné de science politique et de culture générale.
Ce n’est donc pas tant une question de sang ou de nom, mais de style et de positionnement. Les héritiers d’Alain Duhamel ne portent peut-être pas son patronyme, mais ils prolongent un certain goût français pour le commentaire expert.
Un journalisme de l’élite, pour l’élite ?
Mais cet héritage pose aussi des questions : faut-il s’inquiéter d’un entre-soi médiatique ? Les Duhamel incarnent aussi une forme de monopole culturel, où l’accès à la parole politique reste filtré par des codes implicites – une langue, une tenue, une adresse parisienne. Ce journalisme de prestige, admiré autant que contesté, risque parfois de parler à ceux qui parlent déjà.
Et pourtant, dans une démocratie saturée de bruit, le modèle Duhamel — feutré, référencé, un brin hautain — rappelle l’exigence d’un journalisme non pas d’opinion, mais d’interprétation. À l’heure où l’on commente les commentaires, cela relève presque de l’ascèse.
Une dynastie sans couronne
Alors, les Duhamel : dynastie ou vestige ? Peut-être un peu des deux. Ils ne règnent pas, mais ils hantent. Leur nom n’impose pas, mais il persiste. Et dans les bibliothèques des écoles de journalisme, les essais d’Alain Duhamel côtoient les manuels de droit constitutionnel.
Dans ce paysage médiatique hyperaccéléré, les Duhamel sont l’image d’un temps long. D’une parole politique façonnée par la lecture, l’écoute, le doute aussi. Un héritage modeste, mais précieux, dans un monde où tout se dit trop vite.