L’histoire, dit-on, ne repasse pas les plats. Pourtant, elle semble aujourd’hui s’inviter à la table des Européens avec insistance — et gravité. Alors que les États-Unis se débattent dans les convulsions identitaires du “Make America Great Again”, et que la Russie de Vladimir Poutine assume un révisionnisme militaire et idéologique, l’Europe se retrouve seule à la croisée des chemins, fragile héritière d’un ordre libéral international qui vacille.
Depuis la fin de la Guerre froide, le Vieux Continent s’est bercé dans l’illusion que la paix était un acquis, que le droit international pouvait remplacer les rapports de force, que les économies ouvertes suffiraient à cimenter les démocraties. Mais les événements récents — guerre en Ukraine, poussée des extrêmes, montée des régimes autoritaires — rappellent brutalement que la géopolitique ne connaît ni pause ni sentimentalisme. Elle obéit à la loi dure des intérêts, et souvent à celle, plus cynique encore, de la puissance brute.
Pendant ce temps, les États-Unis regardent ailleurs, repliés sur leurs fractures internes. Le camp MAGA ne cache plus sa tentation isolationniste, préférant les murs aux alliances, les slogans aux traités. À l’Est, la Russie affirme sa volonté de redessiner les frontières à coups de canons, renversant l’héritage de 1945 au nom d’une grandeur impériale ressuscitée. Et dans cette recomposition brutale du monde, l’Europe hésite, tergiverse, peine à parler d’une seule voix.
Pourtant, l’heure est venue. L’heure de redevenir une puissance, non pas seulement normative, mais stratégique. Une Europe qui ne se contente pas de réguler, mais qui protège. Une Europe qui défend ses frontières, ses valeurs, sa souveraineté numérique, énergétique, militaire. Car la crise démocratique qui s’installe ne se limite pas aux urnes : elle est aussi celle de notre capacité à penser et agir en adultes politiques, sans attendre que Washington ou Pékin décident à notre place.
L’Europe a-t-elle les moyens de cette ambition ? Oui. Elle dispose de la population, de la richesse, de l’intelligence collective pour faire face. Ce qui manque encore, c’est la volonté, le sursaut. La conscience que l’Histoire n’attend pas. Il ne suffit plus de déplorer, d’invoquer les traités ou de voter des résolutions. Il faut, à nouveau, penser comme une civilisation, avec ce que cela implique de courage, de clarté, et parfois de risque.
L’Europe a rendez-vous avec elle-même. Saurons-nous voir au-delà de la crise démocratique ? Saurons-nous incarner autre chose qu’un marché ou un musée ? La question n’est plus théorique. Elle est existentielle.
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