comment l’extrême droite instrumentalise la douleur des femmes
Le drame est toujours le même. Une femme tuée, un enfant poignardé, une ville sous le choc. L’horreur, nue, brutale, insupportable. Et puis, comme un vieux réflexe pavlovien, les réseaux s’enflamment, les discours s’enchaînent, les colonnes se remplissent. En quelques heures, avant même que l’identité du meurtrier soit confirmée, la machine à broyer de l’extrême droite s’emballe.
Derrière chaque féminicide, chaque infanticide, l’ombre du migrant est convoquée. Une silhouette vague, parfois réelle, souvent fantasmée. Le crime devient preuve, le deuil devient drapeau.
Quand la tragédie devient stratégie
L’extrême droite contemporaine – celle des plateaux télés et des comptes X à forte audience – ne s’embarrasse plus de subtilités. Son logiciel repose sur une logique simple : chaque crime est un symptôme de l’échec migratoire. Mieux encore : un acte politique en soi.
C’est ainsi que des figures comme Éric Zemmour ou Marion Maréchal, dans un ballet bien rodé, mobilisent l’émotion brute à des fins idéologiques. Ils brandissent les prénoms des victimes, clament leur prénom à la radio, tout en taisant des centaines d’autres crimes qui n’entrent pas dans leur récit. Car il s’agit bien de récit – et non de justice.
La femme blanche, martyre idéologique
Dans cette rhétorique, la femme – blanche, française, souvent jeune – devient une figure sacrificielle. Un symbole, un alibi. Elle n’est plus sujet, mais instrument. Son sort n’appelle pas un débat sur les violences sexistes, les failles systémiques ou les moyens policiers, mais uniquement une condamnation de l’Autre : l’étranger, le sans-papiers, le “culturellement incompatible”.
Ce glissement est d’autant plus cynique que ces mêmes mouvements, dans d’autres contextes, moquent le féminisme, dénoncent le « wokisme » et refusent de financer les associations de défense des femmes. Mais lorsque le coupable est un migrant, le féminisme devient soudain cheval de bataille, au nom d’une pseudo-protection civilisationnelle.
Le réel, cet empêcheur de fantasmer en rond
Pourtant, les chiffres sont têtus. L’immense majorité des violences faites aux femmes sont perpétrées par des hommes français. Les féminicides, dans leur triste banalité, traversent les classes sociales, les origines, les statuts légaux. Les migrants ne tuent pas davantage – parfois même moins – que les nationaux. Mais l’extrême droite ne cherche pas la complexité : elle cherche des ennemis.
En criminalisant toute une population pour les actes d’individus isolés, elle pratique un amalgame délibéré, utile à son projet. Car dans un monde saturé d’images et d’émotion, l’indignation sélective vaut souvent plus que la vérité.
Une politique du ressentiment
Ce que révèle cette instrumentalisation, c’est une politique du ressentiment. Un besoin de canaliser les peurs diffuses – insécurité, déclassement, perte d’identité – vers un bouc émissaire commode. Le migrant devient le réceptacle de toutes les angoisses modernes : il serait à la fois voleur d’emplois, agresseur de femmes, fossoyeur de civilisation.
C’est une rhétorique ancienne, recyclée à l’ère numérique, qui avance masquée derrière la compassion et le deuil. Mais qui, fondamentalement, nie la singularité de chaque victime pour la fondre dans un récit nationaliste.
Conclusion : le danger d’un discours toxique
Il ne s’agit pas de nier que certains migrants commettent des crimes – ce serait absurde et malhonnête. Mais il est tout aussi absurde de faire d’un fait divers un acte politique global. La justice doit juger des individus. La politique, elle, doit traiter des causes profondes : précarité, éducation, violences masculines, accueil digne.
Confondre les deux, c’est faire de la peur un programme. Et cela, l’Histoire nous l’a appris, ne mène jamais à la justice – seulement à la haine.
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