Le 19 mai 1919 ne marque pas seulement le débarquement d’un général ottoman à Samsun, mais l’acte de naissance d’une nation libre. Cette date incarne une rupture décisive, le moment où la Turquie, à genoux sous l’occupation étrangère, a relevé la tête sous l’impulsion d’un homme, Mustafa Kemal. Retour sur un tournant capital qui a façonné l’histoire moderne de la Turquie.
Une nation à reconstruire sur les cendres de l’Empire
À la fin de la Première Guerre mondiale, l’Empire ottoman, ancien géant affaibli, est disloqué. L’armistice du 30 octobre 1918 ne marque pas la paix, mais l’ouverture d’un nouvel affront : l’occupation. Istanbul est sous contrôle britannique, Izmir est livrée aux Grecs, les régions orientales tombent sous domination russe. Face à ce démantèlement orchestré, le pouvoir impérial tergiverse, négocie sans succès et voit sa souveraineté s’effriter chaque jour davantage.
Mustafa Kemal : l’homme de la dernière chance
Dans ce chaos, un officier, auréolé de gloire à Gallipoli, refuse la fatalité. Mustafa Kemal comprend que seule une résistance armée depuis l’Anatolie peut sauver la nation. Le 16 mai 1919, il quitte Istanbul à bord du ferry Bandırma, avec un petit groupe de fidèles. Le 19 mai, il débarque à Samsun. Ce geste, apparemment anodin, amorce une révolution nationale. Kemal ne transporte pas d’armes, mais des idées, une volonté, une vision.
Samsun : la flamme de l’indépendance s’allume
Ce qui commence à Samsun est bien plus qu’une mission militaire. C’est la création d’une légitimité populaire face à une capitale soumise aux Alliés. Rapidement, Mustafa Kemal organise les bases d’une administration alternative, fonde des congrès régionaux et lance le mouvement “Kuva-yı Milliye”, une armée populaire. L’objectif est clair : libérer le territoire et créer un État indépendant, républicain et souverain.
Une guerre pour l’existence
La guerre d’indépendance (1919-1923) fut rude. Les armées grecques, soutenues par les Alliés, avancent profondément en Anatolie. Mais l’armée turque, réorganisée et galvanisée par Mustafa Kemal, résiste et repousse l’envahisseur. En 1923, la République de Turquie est proclamée. Mustafa Kemal devient Atatürk, le “père des Turcs”. La monarchie est abolie, les réformes s’enchaînent, et une nouvelle ère débute.
Le 19 mai : bien plus qu’une date
Atatürk, conscient de la portée symbolique du 19 mai, choisit de faire de ce jour non seulement l’anniversaire de la lutte pour l’indépendance, mais aussi celui de la jeunesse, garante de l’avenir du pays. Il ira jusqu’à déclarer : « Mon anniversaire, c’est le 19 mai ». Depuis 1938, cette journée est célébrée comme “Fête de la commémoration d’Atatürk, de la jeunesse et des sports”, mêlant mémoire historique et espoir pour l’avenir.
Une mémoire vivante et toujours actuelle
Le 19 mai reste aujourd’hui un pilier de l’identité turque. Loin d’être une simple commémoration, il est un rappel constant que la liberté n’est jamais acquise sans lutte. Il incarne la capacité d’un peuple à se réinventer, à refuser la soumission et à écrire sa propre destinée. Célébré dans toutes les écoles, stades et institutions, ce jour unit passé, présent et futur dans une même ferveur patriotique.