Kyiv n’échappe pas à ce vieux mal européen qu’est la corruption. L’affaire qui éclabousse aujourd’hui l’entourage du président Volodymyr Zelensky en est une nouvelle illustration, aussi spectaculaire que symbolique.
Timour Minditch, ami de longue date du chef de l’État et copropriétaire de la société de production Kvartal 95 — berceau du Zelensky humoriste —, est désormais accusé par le Bureau du procureur anticorruption d’avoir mis sur pied un système de détournement de fonds de 100 millions de dollars dans le secteur énergétique.
Une somme colossale, mais presque dérisoire au regard du poids politique de l’affaire. Car Minditch n’est pas un inconnu : il appartient au tout premier cercle du président, celui des compagnons de scène devenus conseillers, communicants ou ministres. Cette proximité, que le pouvoir ukrainien vantait jadis comme la preuve d’une loyauté « sans calculs politiques », apparaît aujourd’hui comme sa principale faiblesse.
L’opération « Midas », menée pendant quinze mois par les enquêteurs du NABU et du SAPO, a mis au jour un réseau sophistiqué d’extorsion de fonds publics à des sous-traitants d’Energoatom, l’entreprise nationale du nucléaire. Au total : 70 perquisitions, des milliers d’heures d’enregistrements, et plusieurs hauts responsables interpellés. Le ministre de la Justice, Guerman Galouchtchenko, lui-même ancien ministre de l’Énergie, est soupçonné d’avoir bénéficié d’« avantages personnels » en échange de son silence.
La réaction du pouvoir fut immédiate, presque théâtrale : dissolution du conseil de surveillance d’Energoatom, lancement d’un audit d’urgence, et promesse présidentielle d’une « tolérance zéro » contre la corruption. Mais le timing laisse songeur. Minditch a quitté le pays avant même la fin des perquisitions. Et Zelensky, d’ordinaire prompt à commenter, n’a pas encore dit un mot.
Cette affaire résonne étrangement dans un pays dont l’énergie est aujourd’hui une question de survie — ciblée par les frappes russes, rationnée, symbole d’une guerre aussi économique que militaire. Elle heurte une opinion publique lasse de voir resurgir les vieux réflexes oligarchiques, au moment même où Bruxelles conditionne l’adhésion de l’Ukraine à l’Union européenne à des « avancées significatives » dans la lutte anticorruption.
Volodymyr Zelensky, l’ancien comédien devenu héros de guerre, se retrouve face à un dilemme shakespearien : peut-on rester l’homme neuf qu’on promettait d’être, une fois le pouvoir conquis ?
L’Ukraine de 2025, elle, continue de chercher la réponse — entre héroïsme, tragédie, et petites compromissions.
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