L’université, censée être ce lieu d’émancipation intellectuelle, se voit rattrapée par des fractures identitaires qui s’expriment désormais dans le langage brutal des réseaux sociaux. À Paris-1 Panthéon-Sorbonne, un sondage WhatsApp et une exclusion de groupe Instagram ont révélé ce malaise latent : la question « Pour ou contre les juifs ? », posée à une promotion entière d’étudiants, n’a pas seulement suscité l’indignation — elle a fait émerger un climat de suspicion où l’appartenance réelle ou supposée devient un critère de rejet.
Le fait est doublement troublant. D’abord parce qu’il témoigne d’une banalisation du lexique antisémite au cœur même d’une institution censée former les futurs cadres de la République. Ensuite parce qu’il inscrit ce réflexe de rejet dans un environnement numérique où le vote, le bannissement, l’exclusion se pratiquent en un clic, comme si l’acte de stigmatiser relevait désormais d’une mécanique ludique et collective.
Certes, des voix se sont élevées pour dénoncer l’absurdité et l’ignominie du sondage. Mais la persistance du geste — l’exclusion de plusieurs dizaines d’élèves d’un groupe Instagram, au prétexte de leur nom « à consonance juive » — montre combien l’université, loin d’être imperméable aux tensions contemporaines, en devient un miroir grossissant. Entre le pavé numérique et la salle de séminaire, l’ombre d’un nouvel antisémitisme plane, celui qui se drape dans les codes de la cause, de l’engagement ou de la solidarité internationale, mais qui aboutit à une mise à l’écart.
C’est ici que réside le paradoxe. L’université, qui se veut l’espace du débat rationnel, se retrouve gangrenée par une logique de clan. Les drapeaux brandis en emoji remplacent la pensée, et les slogans chassent la dialectique. En lieu et place d’un engagement politique mûri, s’installe une rhétorique simpliste où l’identité prime sur l’argument.
Saisie par l’administration, la justice devra dire le droit. Mais le défi est plus profond : comment réaffirmer, au sein de la cité universitaire, l’exigence de l’universel ? Comment rappeler que l’héritage des Lumières n’est pas négociable, et que la République ne saurait tolérer la sélection des citoyens en fonction de leur origine, supposée ou réelle ?
Si la jeunesse est l’avenir du pays, ces dérives inquiètent. Car elles témoignent non seulement d’une fracture communautaire, mais aussi d’un appauvrissement intellectuel : le moment où l’opinion, réduite à un clic, devient le substitut du jugement critique.
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