Alors que le dossier nucléaire iranien refait surface sur la scène internationale, une nouvelle série de pourparlers s’est tenue à Istanbul entre l’Iran et les puissances européennes. Cette rencontre intervient dans un contexte tendu, entre espoir d’apaisement et menaces récurrentes, alors que les États-Unis relancent leur stratégie de “pression maximale”.
Une relance diplomatique au bord du précipice
L’Iran, représenté par son vice-ministre des Affaires étrangères Kazem Gharibabadi, a engagé vendredi 16 mai des discussions avec la France, l’Allemagne et le Royaume-Uni — les trois pays européens signataires de l’accord de 2015. Ces négociations visent à relancer un dialogue mis à mal depuis que Washington s’est retiré unilatéralement de l’accord en 2018, sous la présidence Trump, provoquant une escalade des tensions.
Les pourparlers d’Istanbul, jugés “difficiles mais utiles” par Téhéran, marquent une tentative de sauver ce qu’il reste du Plan d’action global commun (JCPOA). Le timing est crucial : la clause du “snapback”, qui permettrait de réactiver automatiquement les sanctions de l’ONU en cas de non-respect de l’accord, expirera en octobre.
Un retour fragile de Washington dans le jeu
Depuis son retour au pouvoir, Donald Trump alterne entre menaces et gestes d’ouverture. En visite au Qatar, il a déclaré que les États-Unis étaient “proches” d’un accord qui éviterait une intervention militaire. Une déclaration à double tranchant, accompagnée d’un avertissement : sans avancée rapide, l’Iran s’exposerait à des “conséquences graves”.
Ce positionnement s’inscrit dans la droite ligne de la stratégie dite de “pression maximale” : relancer la diplomatie tout en agitant la menace de sanctions renforcées, notamment sur les exportations de pétrole iranien. Pourtant, du côté iranien, aucune proposition américaine concrète n’a été confirmée. Abbas Araghchi, ministre adjoint des Affaires étrangères, a démenti avoir reçu un document officiel de la part des États-Unis.
L’Europe en équilibre entre fermeté et risques géopolitiques
Face à cette impasse, les Européens hésitent. Doivent-ils activer le mécanisme de rétablissement des sanctions ou continuer à miser sur la négociation ? Pour l’Iran, une décision de réactivation serait une provocation majeure, susceptible de déclencher une nouvelle crise de prolifération nucléaire — avec, selon Téhéran, des conséquences principalement pour l’Europe elle-même.
Cependant, l’Iran envoie aussi des signaux positifs. Dans une tribune publiée dans Le Point, le chef de la diplomatie iranienne affirme que son pays est “prêt à tourner la page” avec l’Europe, à condition que les sanctions soient levées et que la confiance soit rétablie.
Un programme nucléaire sous surveillance mais controversé
Aujourd’hui, l’Iran enrichit de l’uranium à hauteur de 60 %, loin au-dessus des 3,67 % autorisés par l’accord de 2015 mais encore en deçà du seuil de 90 % nécessaire à une arme nucléaire. Téhéran insiste sur le caractère pacifique de son programme, une position réaffirmée par le chef de l’Agence iranienne de l’énergie atomique, Mohammad Eslami, qui assure que les activités sont placées sous le contrôle de l’AIEA, l’organisme de surveillance nucléaire de l’ONU.
Mais dans un climat aussi polarisé, les garanties techniques peinent à dissiper les soupçons. Pour les Occidentaux, la seule issue durable reste une limitation stricte et vérifiable du programme nucléaire. Pour l’Iran, abandonner l’enrichissement n’est “pas négociable”.
La médiation d’Oman : un canal discret mais actif
C’est par l’entremise d’Oman que les États-Unis et l’Iran ont renoué le dialogue ces dernières semaines. Ces discussions, tenues à huis clos, ont représenté le contact le plus direct entre les deux ennemis depuis l’effondrement de l’accord. Elles traduisent une volonté partagée, au moins tactique, d’éviter l’escalade militaire.
Ce canal omanais, reconnu pour sa neutralité, offre une soupape diplomatique dans une région sous haute tension. Mais il reste à savoir si cette médiation pourra déboucher sur un compromis solide avant l’échéance critique d’octobre.
Une paix fragile, suspendue à la volonté politique
Au final, la reprise des discussions à Istanbul ne garantit rien, mais souligne l’urgence d’un règlement. Tant que les parties maintiennent un double discours — conciliation et menace —, le risque d’un retour aux sanctions ou d’un embrasement demeure réel.
Si l’Europe veut rester un acteur crédible de la non-prolifération, elle devra clarifier sa stratégie et parler d’une seule voix. Quant aux États-Unis et à l’Iran, il leur revient de transformer cette trêve diplomatique en véritable désescalade. L’alternative serait non seulement une nouvelle crise nucléaire, mais aussi une déstabilisation durable du Moyen-Orient.