Il entre en politique comme on entre en scène, à la fois rapide, tranchant, sûr de lui. Nicolas Sarkozy n’a jamais été un homme de demi-teinte. Président, ministre, avocat, conférencier international, auteur de best-sellers politiques… il semble avoir voulu tout embrasser, tout conquérir. Mais cette frénésie de mouvement, cette envie d’accélérer le monde à son image, a aussi laissé place à une question lancinante : Sarkozy était-il un homme de politique… ou un homme d’argent ?
Le surnom de “président bling-bling”, qui lui a été collé dès les premiers mois de son mandat, n’est pas né du hasard. Rolex au poignet, yacht de Bolloré, dîner au Fouquet’s, escapade à Disneyland : ces symboles ont choqué une France encore attachée à une certaine idée de la sobriété républicaine. À l’image de Mitterrand et de ses livres reliés. À l’opposé de De Gaulle et de sa silhouette austère. Avec Sarkozy, c’est une rupture d’esthétique plus encore que de politique. Le pouvoir se veut efficace, rapide, décomplexé, mais perd en mystique ce qu’il gagne en nervosité.
Président des riches, ou président d’une France qui rêve de l’être ?
Oui, Sarkozy a baissé l’ISF. Oui, il a théorisé la “valeur travail” et flatté les entrepreneurs. Oui, sa proximité avec le CAC 40 a été scrutée, caricaturée, dénoncée. Mais à sa décharge, il n’a jamais prétendu être un homme du peuple au sens traditionnel du terme. Il incarne plutôt une France de la réussite par l’effort, une méritocratie anxieuse, urbaine, provinciale parfois, qui rêve d’ascension et s’ennuie des postures. S’il est le président des riches, c’est peut-être parce qu’il pense que chacun peut – et doit – le devenir.
Les affaires, l’ombre portée d’un style
L’affaire Bettencourt, l’affaire Bygmalion, l’affaire du financement libyen : la trajectoire sarkozyste est jalonnée de mises en examen, de procès, de décisions judiciaires qu’il conteste avec la rage d’un gladiateur blessé. À force de côtoyer les puissants, on finit par leur ressembler. Ou pire : par penser que tout est permis. La politique, chez Sarkozy, a parfois semblé moins un idéal qu’un terrain de jeu. Et l’argent, moins un outil qu’un but implicite. Non pas pour s’enrichir personnellement, mais pour ne jamais être à court de levier, d’influence, de souffle.
Un animal politique à part
Mais réduire Sarkozy à un chasseur de fortunes serait injuste. Il reste, malgré tout, l’un des derniers fauves politiques de la Ve République. Un tribun hors pair, un instinctif, un maniaque du verbe et du duel. Contrairement à tant d’autres, il a une vision, une énergie, un feu. Ce n’est pas tant la morale que le style qui lui est reproché. Ce mélange de brutalité assumée, de fascination pour les puissants, et de stratégie permanente — comme si gouverner, c’était d’abord séduire les rois plutôt que servir les peuples.
L’argent comme langage du pouvoir
Alors, Nicolas Sarkozy a-t-il préféré l’argent à la politique ? Ou a-t-il compris que, dans le monde contemporain, l’un ne va plus sans l’autre ? Son parcours laisse une impression troublante : celle d’un homme qui a rêvé de grandeur mais s’est laissé happer par la surface des choses. D’un président qui aurait pu être gaullien mais s’est contenté d’être carnassier. D’un homme d’État qui, à force de vouloir plaire aux premiers de cordée, a oublié de parler à ceux restés sur le quai.
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