Dans un communiqué aux accents d’utopie géopolitique, les Premiers ministres indien et brésilien, Narendra Modi et Luiz Inácio Lula da Silva, ont appelé ce lundi à une « réforme structurelle et urgente » du Conseil de sécurité des Nations unies. Une initiative conjointe, nourrie d’un agacement ancien et d’une ambition nouvelle : celle de redonner une voix pleine et entière au Sud global dans les affaires du monde.
Depuis sa création en 1945, le Conseil de sécurité reste l’un des derniers bastions du monde d’avant. Ses cinq membres permanents – la France, le Royaume-Uni, les États-Unis, la Russie et la Chine – y conservent un droit de veto quasi monarchique, véritable verrou diplomatique qui permet à chacun de bloquer toute résolution, fût-elle d’intérêt mondial.
Autour de ce noyau dur gravite une constellation changeante de dix membres non permanents, élus pour deux ans, sans pouvoir réel. Un modèle que Modi et Lula n’hésitent plus à qualifier d’« obsolète » : « Le monde a changé. L’Afrique, l’Amérique latine et l’Asie du Sud ne peuvent plus être reléguées à la marge des décisions globales », affirme la déclaration.
Le propos résonne d’autant plus fort que l’ONU est aujourd’hui la cible de critiques de plus en plus vives. Son impuissance face à la guerre en Ukraine, neutralisée par les vétos russes, tout comme son silence assourdissant sur Gaza, bloqué cette fois par les États-Unis, alimentent une défiance croissante. L’Organisation, fondée sur l’espoir d’une paix universelle, semble parfois condamnée à la paralysie.
Dans les cercles feutrés de New York, la proposition indo-brésilienne ne fait pas l’unanimité. À Paris comme à Londres, on écoute poliment. À Pékin et à Moscou, on grimace. À Washington, on tergiverse. Pourtant, le vent du monde ne souffle plus seulement depuis le Nord. Le Sud global, longtemps cantonné au rôle de spectateur, veut désormais écrire sa part de l’histoire.
Modi et Lula ont, au fond, posé la vraie question : combien de temps encore le multilatéralisme pourra-t-il survivre à l’injustice de ses propres fondations ?
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