Il est des confidences qui en disent plus long sur la psychologie du pouvoir que de longs discours officiels. En marge du sommet de Tianjin, Xi Jinping et Vladimir Poutine auraient échangé, non pas sur l’Ukraine ou Taïwan, mais sur un autre terrain, plus vertigineux encore : l’immortalité.
Le fantasme n’est pas nouveau. Depuis l’Antiquité, les empereurs se sont rêvés demi-dieux, cherchant dans l’élixir, l’alchimie ou la médecine la promesse d’une vie prolongée. Mais à l’ère des biotechnologies, ce qui relevait jadis du mythe se pare désormais d’une crédibilité scientifique. Les laboratoires privés, souvent financés par des milliardaires de la Silicon Valley, explorent la cryogénisation, le clonage cellulaire, les greffes d’organes artificiels. Qu’il s’agisse de prolonger la jeunesse ou d’abolir la mort, la question n’appartient plus seulement aux philosophes.
Que Xi Jinping évoque la longévité comme « un enfant à 70 ans », et que Poutine lui réponde avec une assurance presque clinique, montre bien la convergence d’une certaine vision autoritaire du monde : le pouvoir n’est plus seulement conçu comme héréditaire ou illimité, il est pensé comme biologique, inscrit dans le corps même du dirigeant. L’autocrate, en prolongeant sa vie, prolonge son règne.
La politiste Ekaterina Schulmann a raison de rappeler que Poutine s’est appliqué, dès 2000, à mettre en scène sa vitalité : cavalcades torse nu, régimes stricts, rejet des vices de son entourage. Il a bâti un récit où la force physique devient une légitimité politique. Xi, quant à lui, se met en scène comme l’architecte d’une Chine éternelle, où l’homme et l’empire se confondent dans une même durée.
Mais au-delà du spectaculaire, cette quête traduit une inquiétude. Car derrière l’obsession de la santé, se dessine la peur de la finitude — non seulement celle de l’homme, mais celle du régime. L’immortalité rêvée par les autocrates dit moins un désir de vie qu’une hantise de la mort du pouvoir.
L’histoire, pourtant, est cruelle : les empires les plus durables sont ceux qui ont su accepter la succession. Les dictateurs qui s’imaginent éternels finissent, eux, par sombrer dans l’illusion de leur propre invincibilité. Si la science promet l’allongement des vies, elle ne garantit pas l’immortalité politique. Et c’est peut-être là la leçon qu’aucune biotechnologie ne leur enseignera jamais.
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