Le président brésilien Luiz Inácio Lula da Silva a relancé le débat sur la domination du dollar américain dans les échanges internationaux, en appelant les pays du groupe des BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud) à envisager une alternative concrète à la monnaie américaine. Ce plaidoyer, formulé lors d’un sommet économique organisé à Johannesburg, marque une étape supplémentaire dans la volonté de ces économies émergentes de remodeler l’ordre financier mondial.
Une déclaration aux résonances géopolitiques
Pour Lula, la dépendance excessive au dollar freine l’autonomie des pays du Sud et les rend vulnérables aux politiques monétaires décidées à Washington. « Pourquoi devons-nous continuer à commercer entre nous en utilisant une monnaie d’un pays tiers ? », a-t-il lancé devant les chefs d’État des BRICS. Le président brésilien propose la création d’une monnaie commune pour les échanges intra-BRICS, inspirée du modèle de l’euro mais réservée aux transactions commerciales.
Cette prise de position intervient dans un contexte mondial marqué par une fragmentation croissante du système économique international, accélérée par les sanctions occidentales contre la Russie, la rivalité sino-américaine, et la montée de l’inflation importée dans de nombreux pays émergents.
Un débat ancien mais relancé
La critique du « dollar roi » n’est pas nouvelle. Depuis les années 1970, plusieurs États ont dénoncé l’hégémonie du billet vert, notamment lors des crises pétrolières ou des épisodes de resserrement monétaire par la Réserve fédérale. Mais aujourd’hui, le poids économique croissant des BRICS, qui représentent près de 25 % du PIB mondial et plus de 40 % de la population mondiale, redonne une nouvelle force à cette contestation.
Des alternatives sont déjà en cours d’expérimentation : la Chine et la Russie renforcent leurs échanges en yuan et en rouble ; l’Inde achète du pétrole russe en roupies ; et le Brésil a signé des accords de swap de devises avec plusieurs partenaires stratégiques.
Les obstacles à une dédollarisation
Malgré l’ambition affichée par Lula, plusieurs défis majeurs freinent l’abandon du dollar :
- L’absence de confiance dans une monnaie alternative : une monnaie commune BRICS devrait s’appuyer sur des institutions stables et indépendantes, ce qui reste difficile à instaurer à court terme.
- Le manque d’intégration financière entre les pays membres : leurs systèmes bancaires, réglementations et niveaux de développement diffèrent largement.
- La force du dollar comme valeur refuge : dans un monde instable, le billet vert reste la monnaie préférée pour les réserves de change, les dettes souveraines et les contrats internationaux.
Un signal politique fort
Au-delà des aspects techniques, la déclaration de Lula est un signal politique : celui d’un Sud global qui cherche à reprendre le contrôle de sa souveraineté monétaire et à s’émanciper des cycles financiers dictés par l’Occident. Elle s’inscrit dans une tendance plus large de « multipolarité économique », où plusieurs centres de décision coexistent, sans qu’un seul pays — ou une seule monnaie — n’impose ses règles.
Le sommet des BRICS à Johannesburg a d’ailleurs été marqué par une volonté de s’élargir à d’autres pays du Sud, notamment l’Argentine, l’Iran, l’Indonésie et l’Arabie saoudite — signe que le bloc entend accroître son influence.
Conclusion
L’appel de Lula à abandonner le dollar ne produira sans doute pas d’effet immédiat, mais il ouvre une brèche stratégique dans l’architecture monétaire mondiale. Si les BRICS parviennent à créer un mécanisme d’échange alternatif crédible, cela pourrait accélérer un mouvement de dédollarisation partielle, voire une refonte des règles du commerce international dans les décennies à venir.
Pour Lula, c’est aussi un moyen de replacer le Brésil au cœur des débats géoéconomiques mondiaux, et de faire entendre la voix des pays émergents dans un système encore largement dominé par les puissances du Nord.
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