Alors que le Kazakhstan se prépare à construire sa première centrale nucléaire, la compétition internationale pour décrocher ce contrat historique s’intensifie. Chine, Russie, France et Corée du Sud sont en lice, mais c’est la proposition de la China National Nuclear Corporation (CNNC) qui suscite un intérêt croissant. Ce projet, au-delà d’une simple infrastructure énergétique, incarne une décision stratégique majeure pour l’indépendance énergétique, la diplomatie régionale et les ambitions écologiques du pays.
Une proposition chinoise alléchante et bien positionnée
La CNNC propose la construction de deux réacteurs HPR-1000 pour un coût estimé à 5,47 milliards de dollars, soit presque moitié moins que les offres concurrentes, évaluées entre 10 et 15 milliards de dollars. En pleine inflation des prix des matériaux et des services, cette différence budgétaire constitue un levier de négociation puissant pour Pékin. Mais ce n’est pas tout : la Chine se dit prête à transférer la technologie et à garantir au Kazakhstan un contrôle total du cycle du combustible nucléaire — une promesse rare et significative.
Diversification géopolitique : une stratégie kazakhe affirmée
Astana ne souhaite pas lier son avenir énergétique à un seul partenaire. Le vice-ministre des Affaires étrangères, Roman Vassilenko, a exprimé une volonté d’ouverture à un consortium international, avec plusieurs types de réacteurs et de technologies. Cette approche démontre une prudence géopolitique face à une Russie affaiblie par les sanctions liées à la guerre en Ukraine, et un désir de positionner le Kazakhstan comme acteur autonome dans le secteur nucléaire mondial.
Rosatom : un partenaire devenu encombrant ?
Historiquement favori, le russe Rosatom voit sa position fragilisée. La vente forcée de ses parts dans trois projets d’uranium à des entités chinoises alimente les spéculations sur une volonté kazakhe de réduire l’empreinte russe dans ses secteurs stratégiques. La présence de Rosatom dans le consortium minier est perçue comme “toxique” par certains économistes kazakhs, en raison des répercussions diplomatiques et économiques du conflit russo-ukrainien.
Une décision imminente mais mûrement réfléchie
Initialement prévue pour 2022, l’annonce officielle du gagnant a été repoussée à plusieurs reprises. Selon les dernières informations, elle devrait intervenir fin juin 2025. En attendant, le gouvernement kazakh insiste sur l’évaluation rigoureuse des critères de sûreté technologique, de respect environnemental et de fiabilité à long terme. Un Comité de Supervision et de Contrôle a été instauré pour garantir la conformité aux normes internationales.
Le site de Balkhash : symbole d’un tournant énergétique
La future centrale sera implantée près du lac Balkhash, dans le district de Zhambyl, à quelque 500 km d’Almaty. Ce choix est stratégique : cette zone souffre régulièrement de pénuries d’électricité. Le projet vise donc à renforcer la sécurité énergétique régionale, réduire la dépendance aux importations et stabiliser les prix de l’électricité — tout en s’inscrivant dans la transition vers une énergie bas carbone.
Une ambition verte à la hauteur des engagements internationaux
Au-delà des enjeux économiques et diplomatiques, ce projet nucléaire représente un pilier essentiel de l’engagement du Kazakhstan vers la neutralité carbone d’ici 2060. En misant sur le nucléaire comme énergie verte, le pays veut répondre à la fois à sa croissance énergétique et à ses obligations climatiques. La coopération annoncée avec l’Agence Internationale de l’Énergie Atomique (AIEA) souligne cette volonté de transparence et de respect des standards globaux.