Au petit matin, alors que Téhéran dormait encore sous un ciel opaque, des explosions ont retenti dans les faubourgs de la capitale iranienne. Quelques instants plus tard, d’autres secousses secouaient la région hautement sensible de Natanz, cœur battant du programme nucléaire iranien. Les cibles sont claires : des installations militaires et nucléaires, selon l’État hébreu, désignées comme « centres de menace existentielle ».
L’État israélien n’a pas tardé à revendiquer les frappes, évoquant une opération « de dissuasion et de justice » après la mort, trois jours plus tôt, du général Hossein Salami, figure centrale des Gardiens de la Révolution. « Le général Salami représentait une menace stratégique. Son élimination était une nécessité », a déclaré un haut responsable de Tsahal sous couvert d’anonymat. Officiellement, le Premier ministre Benyamin Netanyahou a appelé à l’unité nationale tout en affirmant que « toute tentative d’anéantissement d’Israël sera payée au centuple ».
Une escalade redoutée, un silence occidental
Dans les chancelleries européennes, le silence est presque assourdissant. L’Élysée évoque « une situation d’extrême gravité » tout en appelant à la retenue. À Berlin, on parle de « l’impératif de la désescalade ». À Washington, la voix de la diplomatie américaine est restée prudente, comme engourdie par la peur de paraître partiale. Personne, ou presque, n’ose condamner frontalement Tel-Aviv.
Et pourtant. Dans les cercles diplomatiques, nombreux sont ceux qui voient dans cette attaque un point de bascule, peut-être irréversible, dans un Moyen-Orient au bord de la conflagration depuis des années. Car cette guerre, qui ne dit pas encore son nom, n’oppose pas seulement deux États ennemis ; elle engage des visions du monde, des traumatismes historiques et des cycles de représailles dont l’issue semble chaque jour plus incertaine.
Entre vengeance et politique intérieure
Israël, de plus en plus isolé depuis son offensive à Gaza, pourrait chercher à rediriger la colère internationale vers un ennemi communisé de longue date : la République islamique. Le choix de frapper maintenant n’est pas anodin. Il survient alors que les tensions internes fragilisent le gouvernement Netanyahou, accusé de dérive autoritaire et enlisée dans des scandales judiciaires.
Du côté iranien, la disparition du général Salami, stratège charismatique et figure de résistance pour les durs du régime, risque de renforcer la ligne la plus dure. Le peuple iranien, épuisé par les sanctions, les répressions et la crise économique, se retrouve une fois encore sommé de faire bloc derrière un État qui brandit l’ennemi extérieur pour mieux faire oublier ses failles internes.
Et les peuples ?
Dans les rues de Tel-Aviv comme dans celles d’Ispahan, ce sont toujours les civils qui paient le prix des ambitions géopolitiques. On pense à ces familles réveillées par les frappes, à ces mères qui, des deux côtés, enterrent leurs enfants. On pense aux jeunes, privés de futur, happés par les discours de haine. On pense, aussi, à ceux qui, en silence, rêvent encore de paix.
Dans un monde où le feu précède souvent la parole, il nous faut plus que jamais des voix lucides, capables de nommer les responsabilités sans céder au simplisme. Et de rappeler, contre vents et bombes, que la guerre n’est jamais inévitable. Seulement choisie.