La guerre ouverte entre l’Iran et Israël s’impose, une fois de plus, comme une démonstration brutale d’impuissance politique, de cynisme militaire et d’aveuglement idéologique. Tandis que les frappes s’intensifient, les morts s’accumulent, et les grandes puissances rivalisent de demi-mots, une question s’impose, dérangeante, presque naïve : qui cette guerre sert-elle vraiment ?
Car il ne s’agit pas là d’une guerre du peuple. Elle ne dit rien des aspirations profondes de la jeunesse iranienne, qui rêve de liberté, de justice et de respiration démocratique. Elle ne reflète en rien le désir de sécurité des civils israéliens, piégés depuis des décennies dans une logique de peur et de vengeance. Cette guerre est celle d’élites retranchées, de régimes intransigeants, de faucons et de calculs d’apparatchiks.
Elle est aussi le miroir d’un ordre international en déliquescence. L’ONU se tait, les États-Unis tergiversent, l’Europe gesticule sans peser, et les voix des sociétés civiles, noyées dans le fracas des bombes, peinent à percer.
Un conflit sans projet, une guerre sans avenir
Cette guerre ne reconstruit rien, ne propose rien, n’annonce rien. Elle ne porte aucun horizon politique digne de ce nom. Elle n’est ni la libération d’un peuple, ni la restauration d’un droit, ni même un dernier recours désespéré. Elle est l’expression pure et nue d’une logique de domination.
Et c’est peut-être là, au fond, le plus grand échec : celui d’une époque incapable d’imaginer d’autres formes de puissance que celles de la destruction. Incapable de désarmer l’arrogance nationaliste. Incapable d’écouter la voix des poètes, des femmes, des étudiants, des paysans, des activistes écologistes, tous ceux qui, de Téhéran à Haïfa, résistent à leur manière à l’embrasement.
Que nous dit cette guerre de notre monde ?
Qu’elle se déroule dans un silence presque résigné de la communauté internationale est le signe que les alliances d’hier ont perdu leur boussole morale. Qu’elle s’installe dans l’indifférence d’un monde lassé des conflits orientaux est le reflet cruel d’un racisme systémique, d’une hiérarchisation des douleurs.
Il ne suffit plus d’appeler à la paix : il faut refuser, radicalement, la logique même qui rend cette guerre possible. C’est-à-dire questionner nos dépendances économiques, nos lâchetés diplomatiques, nos illusions de neutralité. C’est-à-dire rappeler que les peuples ont le droit de vivre, d’aimer, de construire, loin des missiles et des martyrs.
Si quelque chose doit sortir de cette tragédie, c’est un sursaut : une politique étrangère fondée sur la dignité humaine, une solidarité transnationale entre les sociétés civiles, et une conscience plus aiguë encore que ce monde, dans son état actuel, ne tient plus.