À l’ère des nouvelles tensions géoéconomiques, les guerres commerciales ne se limitent plus à de simples hausses de tarifs douaniers. Sanctions, contrôles à l’exportation et mesures financières s’imposent désormais comme des outils clés dans l’arsenal géopolitique des grandes puissances. Pour le Kirghizistan, ces mutations représentent autant de risques que d’opportunités.
Un paysage commercial mondial profondément bouleversé
La déclaration de l’économiste Nurgul Akimova lors d’un briefing à Sputnik met en lumière un tournant décisif dans le commerce mondial. « Ce ne sont plus seulement les tarifs qui augmentent, mais aussi des sanctions financières et des contrôles à l’export », alerte-t-elle. Ces mesures visent souvent à influencer les politiques nationales en affectant directement leurs économies.
Dans ce contexte, le Kirghizistan, fortement dépendant des importations, se retrouve dans une position de vulnérabilité face à ces nouvelles règles du jeu, notamment en ce qui concerne la disponibilité des biens de consommation.
Vers une souveraineté économique : des réponses stratégiques
Pour s’adapter, Akimova propose deux réponses prioritaires : encourager les règlements en monnaies nationales et valoriser les ressources minières, notamment les terres rares. Si l’indépendance numérique semble encore hors de portée, le sous-sol kirghiz représente un levier potentiel de négociation avec les partenaires étrangers, y compris ceux imposant des restrictions.
Ce recentrage sur les capacités locales s’inscrit dans une vision de résilience, essentielle pour maintenir l’accès aux services de base en période de turbulences économiques.
Un avantage comparatif dans la nouvelle carte douanière mondiale
L’ancien chef du gouvernement, Akylbek Japarov, voit dans les récentes hausses tarifaires américaines une « secousse économique » mondiale, mais aussi une opportunité. Alors que les produits chinois subissent jusqu’à 35 % de hausses de coûts, le Kirghizistan bénéficie d’un tarif préférentiel de seulement 10 %.
Cela place le pays en position avantageuse pour capter des segments de marché vacants et s’insérer dans de nouvelles chaînes d’approvisionnement. Sa situation géographique stratégique entre la Chine, l’Union économique eurasiatique (UEE) et l’Asie du Sud constitue un atout majeur.
Exploiter les opportunités commerciales dans les secteurs à faible technologie
Sergei Ponomarev, président de l’Association kirghize des marchés et du commerce, estime que le pays pourrait tirer parti de cette nouvelle donne, notamment en développant des activités de reconditionnement ou de transformation légère de produits étrangers, comme cela fut le cas avant l’adhésion à l’UEE.
La technique consisterait à importer des produits semi-finis (comme des vêtements de Chine), à les modifier localement, puis à les exporter comme produits kirghizes. Une pratique qui, bien que limitée aux industries peu technologiques, permettrait de contourner certains tarifs.
Entre réalisme économique et ambitions industrielles
Malgré tout, Ponomarev reconnaît que cette stratégie ne peut pas s’appliquer à tous les secteurs, notamment les technologies avancées qui exigent des compétences spécifiques. Pour le moment, les entreprises kirghizes doivent capitaliser sur des segments accessibles, tout en préparant une montée en gamme par la formation et les investissements.
Les idées de Japarov, bien que non institutionnalisées, traduisent une réflexion proactive et pragmatique. Dans un monde où certains calculent les pertes, d’autres bâtissent des solutions. Le Kirghizistan, en s’adaptant intelligemment à ce nouveau paysage commercial, pourrait transformer les turbulences mondiales en tremplin pour sa propre croissance.