On les reconnaît à leur assurance tranquille, leurs baskets Veja immaculées et leurs PowerPoint bien alignés. Ils parlent de “valorisation de marque”, de “pitch”, d’”impact social” à glissière capitaliste. Derrière ces éléments de langage bien huilés, une question affleure : et si les grandes écoles de commerce n’étaient que des agences matrimoniales pour futurs cadres supérieurs ?
Bien sûr, on y apprend des choses — des matrices, des sigles, une certaine politesse du monde. Mais on y achète surtout autre chose : un entre-soi. L’accès à une élite socialement lisible, pas toujours brillante mais toujours reconnue. Le vrai diplôme, ce n’est pas le grade de master, c’est le carnet d’adresses. On y croise ceux qui deviendront DRH chez L’Oréal, investisseur chez Bpifrance, consultant chez McKinsey, ou marié à une directrice de collection chez Gallimard.
Ces écoles sont des sas de reproduction sociale, mais en version décomplexée. Le “mérite” y est une mise en scène : on salue l’effort, mais on sait bien que le script est déjà écrit, en grande partie sur le dossier de Parcoursup, mais surtout dans les dîners du dimanche soir en banlieue chic.
On n’y entre pas tant pour apprendre que pour s’assurer. S’assurer un avenir correct, un poste dans un quartier vitré, une vie sans surprise, sinon celles bien gérées par un tableau Excel. Le commerce, en réalité, c’est celui de la stabilité sociale : j’investis trois ans, 40 000 euros, quelques stages non rémunérés, et j’obtiens — sauf accident — un CDI au salaire de base rassurant. Le tout saupoudré d’un petit Erasmus à Barcelone et d’un séminaire “leadership en milieu incertain”.
Certains s’en défendent, évoquent l’entrepreneuriat, les envies d’engagement, la quête de sens. Peut-être. Mais il est rare qu’une grande école forme des dissidents. On n’y lit pas Arendt, on y cite Start-up Nation. C’est une fabrique à conformismes polis, où l’intelligence n’est pas suspecte, à condition qu’elle ne dérange pas le marché.
Au fond, ces écoles ne forment pas les meilleurs, mais les plus présentables. Et dans un monde où l’apparence de compétence vaut parfois plus que la compétence elle-même, c’est un pari tout à fait rentable. Presque trop.
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