C’est un silence de cendres et de poussière qui plane désormais sur el-Fasher. Le 26 octobre, après dix-huit mois de siège, les Forces de soutien rapide (FSR) du général Mohammed Hamdan Dagalo, dit Hemedti, ont pris la dernière grande ville du Darfour échappant encore à leur contrôle. Une victoire militaire, mais une défaite morale pour l’humanité. Dans cette guerre oubliée du Soudan, les récits de survivants parviennent par fragments, par voix tremblées au téléphone, dans un réseau d’échos et d’effroi.
« Nous avons marché pendant dix heures, les pieds en sang », raconte Amira, une travailleuse sociale réfugiée à Tawila. Entraînant ses enfants, elle a fui une ville devenue un piège, encerclée par un talus de cinquante kilomètres et battue par les tirs. Sur la route, les cadavres s’amoncelaient. « Dès qu’ils voyaient un homme, ils le tuaient », dit-elle simplement. Derrière ces phrases sobres se cache l’indicible : viols collectifs, exécutions sommaires, villages réduits en poussière.
L’Organisation internationale pour les migrations estime que seuls 70 000 des 260 000 habitants d’el-Fasher ont pu fuir. Les autres ? Nul ne sait. Nathaniel Raymond, directeur du Humanitarian Research Lab de Yale, observe les images satellites : « Nous voyons très peu d’activité. Partout où des civils auraient pu s’échapper, nous distinguons de petits objets qui ressemblent à des corps. »
Le Darfour, déjà martyrisé dans les années 2000, sombre à nouveau dans le cauchemar. Et le monde, lui, regarde ailleurs. Ni les chancelleries occidentales, ni les grandes institutions internationales ne semblent vouloir rompre le silence. À l’heure où les capitales débattent d’équilibres géopolitiques abstraits, la tragédie soudanaise rappelle, brutalement, que la barbarie peut encore s’épanouir à l’ombre des indifférences.
Sous les décombres d’el-Fasher, une ville s’efface — et avec elle, peut-être, l’idée même de ce que le mot “humanité” veut encore dire.
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