Alors que le gouvernement turc tablait sur une croissance de 4 % en 2025, les premières estimations du premier trimestre révèlent une dynamique plus modérée. Selon les données du TÜİK, l’économie turque a progressé de 2 % en glissement annuel de janvier à mars 2025. Ce chiffre, bien qu’en ligne avec les prévisions de plusieurs analystes, reste en deçà des projections officielles, signe d’un ralentissement sous-jacent dans un contexte de politiques monétaires restrictives.
Des moteurs internes encore actifs, mais fragiles
L’expansion observée est principalement soutenue par la consommation des ménages, toujours dynamique grâce à une politique budgétaire expansionniste depuis la seconde moitié de l’année dernière. La construction, les services, l’agriculture et même l’industrie – en léger redressement après deux trimestres de contraction – ont contribué positivement au PIB. Cependant, cette dynamique pourrait être difficile à maintenir si la désinflation s’accompagne d’un resserrement durable des conditions monétaires.
Le poids d’une politique monétaire contradictoire
Le revirement de la Banque centrale, alternant resserrements et assouplissements, ajoute une couche d’incertitude. Après avoir laissé le taux directeur stable pendant huit mois à un niveau élevé (50 %), des hausses ponctuelles ont été opérées en mars et avril pour contrer la volatilité des marchés, notamment à la suite de l’arrestation d’Ekrem Imamoglu, figure majeure de l’opposition. Ce zèle monétaire pourrait freiner davantage la croissance si la banque centrale persiste à vouloir ralentir la demande au nom de la lutte contre l’inflation.
L’investissement et le crédit en soutien à l’activité
Malgré ce contexte monétaire tendu, les investissements privés ont progressé, et le crédit – en particulier via les cartes bancaires – continue de croître au-delà des plafonds réglementaires. Cette anomalie alimente à court terme la consommation, mais pose la question de la soutenabilité de la croissance à moyen terme. La demande intérieure reste déséquilibrée par rapport à l’offre, ce qui réduit la marge de manœuvre pour une désinflation rapide.
Commerce extérieur et pressions géopolitiques : des risques persistants
Le commerce extérieur a joué un rôle négatif au quatrième trimestre de 2024, et cette tendance semble persister début 2025. La guerre commerciale mondiale et le durcissement des politiques protectionnistes pourraient limiter les débouchés pour les exportateurs turcs. De plus, la dépendance aux importations rend l’économie vulnérable aux chocs externes, alors même que la livre turque reste fragile face aux incertitudes politiques et géopolitiques.
Vers une révision des perspectives de croissance ?
Malgré un environnement économique incertain, certains signaux invitent à l’optimisme modéré. Le produit intérieur brut a progressé de 7 % en variation trimestrielle entre janvier et mars, après une hausse de 1,7 % au trimestre précédent. Des indicateurs de confiance dans certains secteurs et la reprise du crédit pourraient soutenir un redressement progressif. Ainsi, plusieurs analystes, dont Goldman Sachs, envisagent de revoir à la hausse leurs projections, anticipant désormais une croissance annuelle autour de 3 %, si les conditions financières restent relativement favorables.