Entre deux valises prêtes à fuir la ville, un ventilateur qui brasse plus de soupirs que d’air frais, et les après-midis alanguis au goût d’abricot et de vin blanc, le cinéma reste le plus fidèle des refuges. Cet été, on rêve d’histoires troubles, de corps au soleil, de silences trop lourds, d’adieux sans fin. Voici huit films à revoir comme on feuillette un carnet d’amour, ou à découvrir comme un flirt d’août : inattendu, brûlant, nécessaire.
1. Io sono l’amore, de Luca Guadagnino (2009)
Une villa milanaise, des repas chorégraphiés, Tilda Swinton en souveraine secrète… Guadagnino filme le désir comme une chute en velours, et la bourgeoisie comme un opéra prêt à dérailler. L’Italie devient ici une élégie sensuelle, où l’émancipation passe par une assiette de crevettes et un jardin sauvage.
2. A Bigger Splash, de Luca Guadagnino (2015)
Le désir, encore. Mais cette fois sur l’île de Pantelleria, brûlée de soleil et d’ombres. Ralph Fiennes danse hystériquement, Dakota Johnson observe, et Tilda — toujours elle — se tait, sublime et blessée. L’été devient une tragédie rock’n’roll, où le silence vaut tous les cris.
3. Tchao Pantin, de Claude Berri (1983)
Un été parisien sous la pluie et la crasse. Coluche y est magnifique de fatigue, clown triste dans une station-service. Le film, sombre et brut, regarde la solitude avec une tendresse rare. Rien de solaire ici, mais une chaleur d’âme inoubliable.
4. Passages, d’Ira Sachs (2023)
Un trio moderne dans le Paris d’aujourd’hui, où la passion devient chaos. Franz Rogowski, Ben Whishaw et Adèle Exarchopoulos incarnent le désordre amoureux dans sa forme la plus nue : imprévisible, physique, égoïste, bouleversant. Un film qui dérange avec style.
5. Rosetta, des frères Dardenne (1999)
C’est l’anti-carte postale de l’été. Rosetta n’a pas de vacances, pas de répit, pas de place. Filmée au plus près, cette jeune fille qui refuse de couler offre une leçon de dignité brute. On sort écorché, mais agrandi. L’Europe sociale à hauteur de peau.
6. Une jeune fille qui va bien, de Sandrine Kiberlain (2021)
Paris en 1942, mais sans lourdeur historique. Rebecca Marder y incarne l’énergie vitale d’une jeune femme juive, actrice en devenir, insouciante et fragile. Un film lumineux sur le fil du drame, qui célèbre la joie de vivre comme ultime résistance.
7. Emilia Perez, de Jacques Audiard (2024)
La surprise musicale de l’année. Entre telenovela queer et opéra de rédemption, Emilia Perez emporte tout sur son passage : les genres, les codes, les cœurs. Karla Sofía Gascón est prodigieuse, et Selena Gomez réinvente sa propre image. C’est politique, baroque, et profondément émouvant.
8. Mascarade, de Nicolas Bedos (2022)
Cap Ferrat, les mensonges et les peaux bronzées. Pierre Niney et Marine Vacth jouent au jeu du faux semblant sous le soleil cruel de la Côte d’Azur. Un thriller sentimental, cynique et léché, parfait pour ceux qui aiment les fictions où l’on ne sait jamais qui manipule qui.
Une saison d’ambivalence élégante
Ces films ne racontent pas l’été comme on le vend dans les brochures. Ils en saisissent les ambiguïtés : la chaleur qui oppresse, la lumière qui révèle, les élans qui déraillent. Entre tragédies douces et éclats sensuels, ils nous rappellent que l’été est aussi la saison du doute, du désir et de la perte. Un miroir parfait, finalement, de notre époque.
Alors, fermez Instagram. Ouvrez les volets. Et laissez le cinéma faire ce qu’il sait faire de mieux : nous traverser.