Festival de Cannes 2025
Cannes — Le Festival de Cannes, rendez-vous majeur du cinéma mondial et miroir subtil des mutations esthétiques, culturelles et politiques de notre époque, a dévoilé cette semaine la composition de son jury officiel pour sa 78e édition, qui se tiendra du 13 au 24 mai prochains. Une sélection d’artistes internationalement reconnus, où la parité hommes-femmes est scrupuleusement respectée, gage d’une volonté affirmée de conjuguer excellence artistique et exigences éthiques du temps.
Au sommet de cette prestigieuse assemblée, Juliette Binoche, actrice française aux choix de carrière exigeants et à l’aura universelle, incarnera l’élégance française dans ce qu’elle a de plus radical et ouvert sur le monde. Autour d’elle, un aréopage d’artistes venus de tous les continents, parmi lesquels Halle Berry, icône américaine désormais passée derrière la caméra, le documentariste congolais Dieudo Hamadi, la cinéaste indienne Payal Kapadia, prix du Grand Prix en 2024, le réalisateur mexicain Carlos Reygadas, l’actrice italienne Alba Rohrwacher, le maître du minimalisme coréen Hong Sang-soo, l’écrivaine franco-marocaine Leïla Slimani, et l’acteur américain Jeremy Strong, récemment consacré pour son rôle dans Succession.
Une composition savamment équilibrée, à la croisée des genres, des géographies et des écritures, qui ambitionne de porter un regard ouvert, exigeant et transgressif sur la sélection 2025.
Une édition 2024 marquée par l’audace et le politique
Ce nouveau jury succède à celui présidé par Ruben Östlund en 2024, année qui avait vu le sacre de Anora de Sean Baker, récit cru et poignant d’une stripteaseuse new-yorkaise confrontée à un choix impossible entre survie sociale et quête d’émancipation. Le Grand Prix avait été attribué à All We Imagine as Light, de l’Indienne Payal Kapadia, confirmant l’ancrage d’un cinéma d’auteur asiatique dans les sphères les plus prestigieuses de la Croisette. Emilia Pérez de Jacques Audiard, opéra reggaeton engagé sur les violences de genre au Mexique, avait quant à lui reçu le Prix du jury.
Une édition marquée par des œuvres audacieuses, féministes, politiques, dans lesquelles le corps féminin, les luttes identitaires et les réinventions de genre avaient occupé le devant de la scène, sous le regard bienveillant mais tranchant d’un jury qui n’avait pas craint de bousculer les lignes.
Trois films événements attendus en 2025
L’édition 2025 s’annonce tout aussi intense et éclectique. Trois œuvres, en particulier, cristallisent déjà toutes les attentions des cinéphiles et des critiques avertis.
D’abord, « Alpha », la nouvelle proposition de Julia Ducournau, Palme d’or 2021, qui revient avec un thriller psychologique halluciné explorant les limites de l’identité humaine dans un monde post-anthropocène. Fidèle à son goût du corps mis à nu et de la métaphore dérangeante, Ducournau pourrait bien, à nouveau, électriser la Croisette.
Ensuite, « Eddington », western psychologique signé Ari Aster, met en scène Joaquin Phoenix et Emma Stone dans un huis clos existentiel sous les ciels d’Amérique. Après Midsommar et Hérédité, Aster confirme son ambition d’étirer les codes du genre vers une méditation métaphysique et nihiliste, où le temps semble suspendu dans une poussière de rêves hantés.
Enfin, « The Phoenician Scheme », nouvelle fantaisie mélancolique de Wes Anderson, entremêle les trajectoires d’une héritière religieuse incarnée par Mia Threapleton et d’un aristocrate déchu campé par Benicio Del Toro, dans une comédie dramatique à l’esthétique millimétrée, entre confession surréaliste et tragédie feutrée.
À ces têtes d’affiche s’ajouteront les premiers longs métrages de Scarlett Johansson (Eleanor the Great) et Kristen Stewart (The Chronology of Water), respectivement présentés dans les sélections parallèles, confirmant que Cannes reste, plus que jamais, la scène privilégiée où les actrices prennent le pouvoir derrière la caméra.
Un festival à la croisée des regards et des luttes culturelles
Au fond, ce jury 2025, paritaire, éclectique, et transgénérationnel, symbolise l’effort constant du Festival de Cannes d’incarner un laboratoire mondial du cinéma, où la création artistique se pense comme un geste politique, esthétique et existentiel.
Sous la houlette d’une Juliette Binoche toujours aussi libre, aussi insaisissable, aussi profondément engagée dans un cinéma qui cherche le vertige plus que le confort, la Croisette s’apprête à vibrer au rythme d’œuvres qui interrogeront nos temps troublés, entre mélancolie des utopies perdues et désir de réinvention.