En 2017, François Fillon avait appelé à voter Emmanuel Macron. Le geste, à l’époque, se voulait républicain, presque sacrificiel : faire barrage, préserver les institutions, éviter le pire. Huit ans plus tard, l’ancien Premier ministre regarde le pays avec une forme de stupeur mêlée d’amertume. Il confesse aujourd’hui ce que beaucoup murmurent à voix basse : jamais il n’aurait imaginé que la France se trouverait dans une situation aussi dégradée.
Le chiffre claque comme un avertissement : un milliard d’euros de dette supplémentaire par jour ouvrable. Une statistique brutale, presque obscène par sa simplicité, qui résume à elle seule l’impasse budgétaire dans laquelle s’enfonce le pays. Certes, François Fillon ne s’exonère pas de toute responsabilité. Depuis François Mitterrand, reconnaît-il, tous les présidents ont creusé le déficit, accumulé la dette, reporté les réformes structurelles. Son propre gouvernement n’a pas échappé à cette logique d’urgence permanente.
Car gouverner, explique-t-il en creux, a trop souvent consisté à agir comme des pompiers : éteindre les incendies, colmater les brèches, répondre aux crises successives — financières, sociales, sanitaires, géopolitiques — sans jamais traiter les causes profondes. Tous ont cru, parfois par conviction, souvent par facilité, que la croissance finirait par régler le problème de l’endettement. Elle ne l’a pas fait.
Cette illusion collective a masqué des failles autrement plus graves. La question démographique, d’abord, trop longtemps reléguée au rang de sujet secondaire, alors qu’elle conditionne l’équilibre des systèmes sociaux et la vitalité économique. La désindustrialisation, ensuite, celle de l’Europe en général et de la France en particulier, acceptée comme une fatalité dans un monde globalisé, quand elle aurait dû être combattue comme un affaiblissement stratégique majeur.
À cela s’ajoute une autocritique plus sévère encore : la sous-estimation des effets d’une fiscalité lourde et d’une réglementation proliférante, qui ont progressivement entamé la compétitivité française. À force de vouloir tout encadrer, tout corriger, tout redistribuer, l’État a fini par étouffer l’initiative, décourager l’investissement et pousser les forces productives à regarder ailleurs.
Le constat de François Fillon n’est ni une confession spectaculaire ni un règlement de comptes brutal. Il s’inscrit plutôt dans cette tradition très française de la lucidité tardive, où l’ancien pouvoir observe, analyse et avertit. Reste à savoir si ce diagnostic, désormais partagé bien au-delà des clivages partisans, sera enfin suivi d’effets — ou s’il viendra simplement s’ajouter à la longue litanie des occasions manquées.
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