Alors que Washington et Tel-Aviv revendiquent la destruction du programme nucléaire iranien, le guide suprême Ali Khamenei répond par la dérision et la défiance. Derrière la joute verbale, c’est la vieille dramaturgie du pouvoir et de la souveraineté qui se rejoue, entre fantasme de contrôle et vertige de résistance.
« C’est bien, continue à rêver ! »
La phrase, sèche, ironique, a claqué comme un fouet dans le tumulte des déclarations internationales. Lundi 20 octobre, depuis Téhéran, l’ayatollah Ali Khamenei a répondu à Donald Trump avec ce mélange d’arrogance et de calme glacial qui caractérise les figures du pouvoir absolu. En quelques mots, le guide suprême iranien a réduit à néant les proclamations triomphantes de l’ancien président américain, selon lesquelles les États-Unis auraient « totalement détruit » les installations nucléaires de la République islamique.
Le décor est connu : le 22 juin, Washington et Tel-Aviv ont mené des bombardements ciblés contre les sites souterrains de Fordo, d’Ispahan et de Natanz — les sanctuaires de l’atome iranien. Trump s’en est vanté, chiffres à l’appui : « Quatorze bombes, les sites anéantis ». À Jérusalem, devant le Parlement israélien, il a rejoué le récit de la puissance américaine victorieuse.
Mais de l’autre côté, à Téhéran, on préfère parler d’illusions occidentales. Khamenei, s’adressant à des sportifs réunis pour l’occasion, a renversé la rhétorique avec un sens aigu de la mise en scène :
« En quoi l’Amérique se soucie-t-elle que l’Iran possède une industrie nucléaire ? Qui es-tu pour dire à un pays ce qu’il peut ou ne peut pas faire ? »
La réplique dépasse le simple échange d’invectives : elle s’inscrit dans une guerre symbolique, où l’atome devient le miroir d’une souveraineté meurtrie.
Depuis la chute du Shah en 1979, l’Iran et les États-Unis se livrent une confrontation existentielle, faite de sanctions, de menaces et de malentendus métaphysiques. L’un brandit la loi du plus fort, l’autre la vertu de la résistance. Entre les deux, le Moyen-Orient sert de théâtre, de champ d’expérimentation et de cimetière.
Trump, fidèle à son goût du spectaculaire, parle d’« anéantissement » comme d’un effet d’annonce ; Khamenei, lui, répond par le rêve — un mot presque poétique, choisi avec une précision cruelle.
Rêver, dans la bouche d’un religieux, n’est pas synonyme d’illusion : c’est un rappel mystique que la puissance terrestre n’est jamais qu’un souffle.
Au fond, l’échange entre Trump et Khamenei n’est pas qu’un épisode diplomatique : c’est un affrontement entre deux visions du monde.
L’une, occidentale, obsédée par la maîtrise, la dissuasion et la preuve ; l’autre, orientale, ancrée dans le symbole, la patience et le défi.
Dans ce dialogue d’aveugles, le nucléaire n’est qu’un prétexte — une métaphore du pouvoir, du destin, et de cette étrange fascination que les nations continuent d’éprouver pour leurs propres forces destructrices.
L’Amérique rêve de contrôle.
L’Iran, lui, rêve d’exister — et c’est souvent le rêve le plus dangereux.
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