L’arrêt est tombé comme un rappel implacable du droit, dans un monde où il vacille de plus en plus : la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) a formellement condamné la Fédération de Russie pour de multiples violations graves commises en Ukraine. Exécutions sommaires de civils et de militaires hors combat, actes de torture systématiques, déportations arbitraires de populations : le constat dressé par les juges de Strasbourg est accablant.
Pourtant, à Moscou, pas un mot. Depuis son retrait officiel du Conseil de l’Europe en septembre 2022, le Kremlin ne répond plus aux convocations de la Cour, ne fournit plus d’éléments de défense, et ignore délibérément toute décision la concernant. Une posture de déni qui ne surprend plus, mais qui n’en reste pas moins inquiétante pour le fragile équilibre du droit international.
La CEDH, juridiction ultime des libertés fondamentales sur le continent, agit ici dans une forme de solitude institutionnelle. Son jugement n’est pas seulement symbolique : il consigne juridiquement la responsabilité de l’État russe dans des actes qui relèvent du crime de guerre, voire du crime contre l’humanité. Mais il agit désormais dans le vide — un vide de coopération, de dialogue, d’exécution.
Les faits remontent aux premiers mois de l’invasion de l’Ukraine. À Boutcha, Marioupol ou Kherson, les rapports s’étaient multipliés : civils exécutés dans les rues, prisonniers de guerre mutilés ou tués, familles entières déplacées de force vers la Russie. Les preuves, abondamment documentées par des ONG et des journalistes, ont été examinées avec rigueur par la Cour. Moscou, de son côté, n’a rien contesté — elle n’a tout simplement plus comparu.
Cette absence de dialogue judiciaire souligne une rupture plus large : celle d’un État qui s’est retiré du champ de la légalité européenne, préférant la puissance brute à la diplomatie du droit. La Russie, autrefois membre à part entière du Conseil de l’Europe, semble avoir fait le choix d’une souveraineté affranchie de toute norme internationale.
La décision de la CEDH n’empêchera pas les crimes, mais elle les inscrit dans l’Histoire. Elle dit aux victimes, aux familles, aux peuples, que leur souffrance n’est pas sans écho. Dans une époque saturée de violences banalisées, ce rappel à l’ordre moral et juridique demeure essentiel.
Reste à savoir si ce droit, désormais orphelin de toute capacité d’imposition, pourra encore peser face aux États qui refusent de s’y soumettre. Ou s’il ne sera plus qu’un rituel impuissant, récit d’un monde révolu
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