Dans la lumière ocre des étés qui s’allongent, le murmure des pins laisse place au crépitement sinistre des flammes. Du Canada à la Grèce, de la Californie à l’Amazonie, les incendies de forêts ne sont plus de simples événements saisonniers : ils sont devenus la trame rougeoyante d’un monde qui vacille. Mais comment expliquer cette multiplication spectaculaire des feux ? Et surtout, que nous dit-elle de notre époque ?
Un phénomène globalisé
Il fut un temps où l’on associait les feux de forêt à des régions spécifiques : l’Australie en janvier, le sud de la France en août. Aujourd’hui, les cartes satellites dessinent des constellations de brasier sur tous les continents, presque en simultané. En juin dernier, le Chili brûlait tandis que les rivières du Canada fumaient encore. À Rhodes, des touristes évacués en tongs croisaient des enfants masqués par les cendres.
« Le feu n’est plus un événement, c’est une condition », résume la climatologue Françoise Lambert. Et d’ajouter : « Ce que nous observons, c’est une convergence entre le changement climatique, les pratiques agricoles industrielles et l’urbanisation chaotique. »
Le climat comme accélérateur
Le lien avec le réchauffement climatique est indéniable. Les températures montent, les pluies se raréfient, les sols s’assèchent : les conditions sont réunies pour que la moindre étincelle devienne un enfer. Des sécheresses plus longues fragilisent les forêts, des vents plus violents attisent les flammes, et la fonte des neiges plus précoce expose davantage les sols au soleil.
En somme, la planète devient inflammable.
L’homme, pyromane malgré lui
Mais il ne suffit pas de pointer le thermomètre du doigt. L’homme, dans sa course au confort, joue le rôle trouble du pyromane qui s’ignore. L’extension des zones urbaines dans les lisières forestières multiplie les points de friction : une cigarette jetée, une ligne électrique mal entretenue, un barbecue imprudent.
Pire : dans certaines régions, les feux sont allumés volontairement, pour défricher, spéculer ou tout simplement faire place nette. En Amazonie, la logique est celle d’un capitalisme torche à la main. En Méditerranée, elle est parfois mafieuse, quand un bois brûlé devient un terrain constructible.
Le feu comme symptôme
Mais au fond, si les incendies fascinent autant qu’ils effraient, c’est peut-être parce qu’ils racontent quelque chose de plus profond. Le feu est un retour au primitif, un rappel brutal que la nature ne se contrôle pas indéfiniment. Il nous met face à notre fragilité, dans un monde hyperconnecté mais incapable de protéger ses arbres.
Dans les dîners parisiens, entre deux verres de Chablis bio, on parle de feux en Californie comme on parlait jadis de guerres lointaines : avec une distance cultivée et une inquiétude polie. Mais derrière les hashtags et les vidéos spectaculaires, c’est notre modèle de civilisation qui se consume.
Et maintenant ?
Il n’y a pas de solution miracle. Il y a des mesures d’urgence – drones, pare-feux, brigades spécialisées. Il y a des gestes individuels, des votes, des pressions à exercer. Mais surtout, il y a un choix à faire : voulons-nous habiter le monde ou continuer à l’exploiter ?
Tant que nous penserons la nature comme un décor, elle nous répondra en flammes.
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