Abou Dabi — Paris — Le thermomètre a grimpé, puis s’est figé, presque incrédule : 51,6 degrés Celsius ont été enregistrés hier dans l’émirat d’Umm al-Quwain, à quelques kilomètres de Dubaï. Un seuil non seulement symbolique, mais aussi physique : au-delà de 50°C, ce sont les fonctions humaines qui vacillent, les structures urbaines qui cèdent, et les certitudes politiques qui fondent.
Ce n’est plus un “record” climatique, c’est un signal rouge, lancé par les scientifiques, pour qui cette chaleur extrême n’est ni une anomalie locale ni une coïncidence météorologique. Elle est le visage cru du dérèglement en cours.
1. Des canicules plus longues, plus précoces, plus fréquentes
La première tendance établie par les climatologues est sans appel : les vagues de chaleur s’installent désormais dès la fin du printemps, parfois dès avril, et s’étirent bien au-delà de l’été. Ce que l’on appelait “canicule” devient progressivement un nouvel été, long, écrasant, et parfois invivable.
Selon l’Organisation météorologique mondiale, le nombre de jours “dangereusement chauds” — c’est-à-dire excédant les 45°C dans certaines régions — a doublé depuis 1980. Or, les Émirats, qui se sont rêvés vitrine d’un futur hyper-technologique, sont aujourd’hui le miroir d’un présent insoutenable.
Les villes du Golfe ne sont plus seules concernées : des capitales européennes comme Athènes, Rome ou Séville enregistrent des pics désormais comparables. La climatisation, si elle soulage ponctuellement, accroît paradoxalement la charge thermique globale, en alimentant des cycles de surconsommation énergétique et de rejet de chaleur urbaine.
2. Des chaleurs qui dépassent les seuils physiologiques humains
Le plus préoccupant dans ces températures extrêmes, ce n’est pas seulement le chiffre brut, mais ce qu’il fait au corps. Les scientifiques évoquent désormais le “wet-bulb temperature” — température ressentie combinée à l’humidité — au-delà de laquelle le corps humain ne parvient plus à se refroidir, même au repos.
À partir de 35°C en température humide, même une personne jeune, en bonne santé et hydratée, peut mourir en quelques heures sans protection adéquate. Or, les 51,6°C d’hier aux Émirats ont été enregistrés avec un taux d’humidité supérieur à 40 %, ce qui rend les conditions de vie — et de travail — simplement intenables.
Les scientifiques alertent sur une bascule silencieuse : ce ne sont plus seulement les infrastructures, mais les organismes, les sociétés, les rythmes civilisationnels qui sont menacés.