De YouTube à la librairie : pourquoi les influenceurs se mettent à l’écriture
Après les stories, les chapitres. Après les likes, les lecteurs. De Lena Situations à Inoxtag, en passant par MrBeast, la nouvelle génération d’influenceurs délaisse ponctuellement les caméras pour la page blanche. Le phénomène s’accélère : les figures majeures du web investissent désormais le monde de l’édition avec une assurance qui force l’observation, sinon l’admiration.
Lena Mahfouf, pionnière du genre, avait déjà ouvert la voie en 2020 avec Toujours plus, une ode au développement personnel au succès retentissant. Depuis, d’autres lui ont emboîté le pas. Inoxtag, star de YouTube, annonce un ouvrage introspectif sur son aventure au sommet de l’Everest. De son côté, l’Américain MrBeast, maître du divertissement algorithmique, prépare un manifeste hybride sur la philanthropie à l’ère numérique.
Un passage obligé ?
À l’ère où tout se consomme en ligne, pourquoi ce retour au papier ? « L’écriture reste un signe de légitimité dans l’espace public », explique une éditrice parisienne. « Pour un influenceur, publier un livre, c’est entrer dans une forme de reconnaissance culturelle, là où les vues ne suffisent pas toujours. »
Le livre devient ainsi une extension de marque, mais aussi une manière de se fixer dans le temps. Là où les stories disparaissent, le livre reste. Il offre une densité, une narration plus lente, presque une réhabilitation de la pensée face à la dictature de l’instant.
Business ou besoin d’expression ?
Certains y verront un simple produit dérivé, calibré pour les fans adolescents. D’autres y liront une tentative sincère d’introspection, voire de réinvention. La vérité est sans doute entre les deux. Si les maisons d’édition se frottent les mains (des centaines de milliers d’exemplaires s’écoulent parfois en quelques semaines), les auteurs eux-mêmes cherchent à élargir leur image, à montrer qu’ils ne sont pas que des visages ou des blagues en boucle.
Cette écriture, souvent guidée, parfois très assistée, n’en dit pas moins quelque chose de notre époque : celle d’une porosité entre les sphères, d’une culture où les frontières entre divertissement, savoir et marchandisation se dissolvent lentement.
Une nouvelle légitimité culturelle
Ce mouvement n’est pas sans rappeler celui des chanteurs devenus écrivains, ou des footballeurs philosophes. Il s’inscrit dans une logique de « capital culturel » réinventé : publier, c’est grimper dans une forme de hiérarchie symbolique qui perdure malgré tout. Les influenceurs, tout en restant des figures de la pop culture, veulent désormais aussi leur place à la table des auteurs.
Ce qu’il faut observer, c’est moins la qualité littéraire (inégale, parfois formatée), que la manière dont ces ouvrages prolongent un empire d’image. Le livre n’est plus un sanctuaire, il est devenu un support parmi d’autres, un écrin sérieux pour des figures nées dans le bruit léger des notifications.
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