Washington, juin 2025
L’annonce est tombée comme une sentence, sèche et martelée avec le ton sans détour que Donald Trump affectionne : « We don’t want them here. » Douze pays — principalement issus d’Afrique, du Moyen-Orient et des Caraïbes — voient désormais leurs ressortissants exclus du territoire américain. Un décret présidentiel, signé dans l’aile ouest de la Maison-Blanche, rétablit des interdictions de visas d’une ampleur inédite depuis les années 1980.
Le discours, tenu devant un parterre de soutiens à Dallas, ne laissait place à aucun doute : sécurité nationale, « valeurs incompatibles », risque terroriste et « priorité aux vrais Américains ». Une rhétorique aussi ancienne que brutale, où la politique migratoire devient théâtre d’affirmation idéologique.
Un retour assumé à la doctrine du bannissement
Les pays visés — Afghanistan, Birmanie, Tchad, République du Congo, Guinée équatoriale, Érythrée, Haïti, Iran, Libye, Somalie, Soudan et Yémen — incarnent, selon l’administration, des États “instables, corrompus ou infiltrés par des réseaux hostiles”. À cela s’ajoute une seconde liste, soumise à restrictions partielles : Burundi, Cuba, Laos, Sierra Leone, Togo, Turkménistan, Venezuela.
Ce “Travel Ban 2.0”, comme l’ont surnommé certains juristes, s’inscrit dans une logique chère à Trump : dessiner un monde simplifié, avec des “safe countries” d’un côté, des “failed states” de l’autre. Une lecture qui ignore les nuances géopolitiques et les responsabilités historiques des grandes puissances dans l’instabilité de certaines régions.
Un choc pour la diplomatie, une fracture pour les diasporas
À Bruxelles comme à Ottawa, les chancelleries s’inquiètent. La mesure, jugée discriminatoire, fragilise les relations avec les Nations Unies et plusieurs partenaires africains et asiatiques. À l’intérieur même des États-Unis, les associations de défense des droits civiques dénoncent un “racisme d’État maquillé en pragmatisme sécuritaire”, et rappellent les milliers de familles déjà partiellement disloquées par les précédentes interdictions de 2017.
Les diasporas concernées, nombreuses et dynamiques dans des villes comme Minneapolis, Miami ou Los Angeles, se disent trahies. Pour elles, le rêve américain se referme à coups de tampons négatifs.
La politique migratoire comme scène électorale
En pleine année pré-électorale, cette décision n’est pas anodine. Elle parle aux électeurs trumpistes de la Rust Belt et des États du Sud, sensibles aux discours anti-immigration et à la promesse d’un “retour à l’ordre”. Mais elle révèle aussi une tendance profonde : l’instrumentalisation de l’ennemi extérieur comme levier de cohésion intérieure. Plus que des pays, ce sont des figures de l’altérité que Trump désigne ici : le musulman suspect, l’Africain turbulent, l’Haïtien indésirable.
Quelle Amérique demain ?
Cette politique soulève une question fondamentale : l’Amérique de Trump peut-elle encore prétendre au leadership moral qu’elle revendiquait jadis ? Peut-on interdire l’accès à des peuples entiers tout en se présentant comme phare des droits humains ? À travers ce décret, c’est une vision du monde qui se dessine — une Amérique assiégée, défensive, ethnocentrée.
Mais l’histoire montre que les murs idéologiques sont rarement étanches. Et qu’une démocratie n’est jamais aussi fragile que lorsqu’elle renonce à l’hospitalité comme principe