Le verbe se fait rare, précis, tranchant. Et parfois, il tranche trop. C’est ce que l’on retiendra des déclarations du ministre israélien de la Défense, Israel Katz, adressées ce week-end à l’ayatollah Ali Khamenei, guide suprême de la République islamique d’Iran. Une menace à peine voilée, aux airs de sentence biblique : “Je mets en garde le dictateur iranien contre la poursuite de ses crimes de guerre et des tirs de missiles contre des civils israéliens.” Avant de conclure, glaçant : Khamenei pourrait connaître le même sort que Saddam Hussein – pendu dans une base militaire après avoir défié trop longtemps l’Occident et son voisinage.
Cette déclaration, lancée dans un climat déjà saturé de tensions, n’est pas seulement une bravade diplomatique. C’est le symptôme d’un monde où la parole politique abandonne toute liturgie pour embrasser la brutalité. Finies les notes diplomatiques feutrées, les canaux discrets, les formules prudentes. Place à la menace directe, frontale, spectaculaire. Une guerre des nerfs autant que de missiles.
L’écho des pendus
Comparer Khamenei à Saddam Hussein n’est pas un geste anodin. C’est raviver le spectre de la guerre d’Irak, avec ses promesses non tenues, ses ruines géopolitiques, son désastre humanitaire. C’est aussi rappeler à l’ennemi qu’aucun trône n’est éternel. Dans le lexique du Proche-Orient, la menace d’une “fin à l’iraquienne” n’est pas seulement une prophétie : c’est une promesse d’humiliation posthume.
Mais au-delà de l’effet rhétorique, cette sortie de M. Katz interroge. À quel moment une démocratie libérale peut-elle se permettre de parler comme une puissance brutale ? L’État d’Israël, constamment sur le fil de la légitimité face au regard du monde, prend-il un risque en s’alignant, dans le langage, sur ceux qu’il combat ?
La diplomatie des extrêmes
Il faut dire que la situation est délétère. Depuis plusieurs mois, les échanges de feu entre Israël et des groupes pro-iraniens s’intensifient. Le conflit à Gaza s’enlise, l’ombre du Hezbollah plane sur le nord, et les missiles iraniens ont franchi un cap en direction du territoire israélien, notamment il y a quelques jours. Dans ce contexte, la parole de guerre remplace celle de paix.
Mais on peut se demander si cette rhétorique guerrière ne signe pas un aveu d’impuissance autant qu’un avertissement. En menaçant Khamenei, Katz montre autant sa détermination que sa solitude. Car si l’Iran est un ennemi systémique, c’est aussi un acteur incontournable. Et chaque menace renforce les logiques d’enfermement.
Dans un monde où les mots déclenchent des guerres autant que les drones, la parole d’un ministre devrait être pesée comme de l’or. Katz a choisi le plomb. Mais dans cette région du monde, le métal lourd finit toujours par retomber.