Le coup est rude, même s’il n’est pas tout à fait une surprise. Marine Le Pen, figure centrale de la droite nationale depuis plus de vingt ans, risque d’être déclarée inéligible pour la présidentielle de 2027. Une condamnation sévère, tombée comme un couperet : quatre ans de prison, dont deux ferme, pour détournement de fonds publics. Entre 2004 et 2016, la cheffe du Rassemblement national aurait utilisé près de 4,4 millions d’euros du Parlement européen pour rémunérer des collaborateurs en réalité engagés au service du parti.
C’est donc un feuilleton politico-judiciaire à haute intensité symbolique qui s’ouvre, à la fois épisode de morale républicaine et thriller institutionnel. Car au-delà de la question de la culpabilité — sur laquelle la justice a tranché —, c’est l’avenir d’un camp entier qui vacille. La présidentielle de 2027 s’annonçait comme celle de la consécration pour Marine Le Pen, donnée finaliste, voire favorite, par les projections. Elle pourrait désormais en être l’absente la plus commentée.
Interrogée à la sortie de l’audience, la présidente du groupe RN à l’Assemblée n’a pas caché son amertume : « Certains électeurs seraient très énervés si cette décision venait à se confirmer. Ils y verraient comme une forme de manipulation. » Le ton est posé, mais la menace sourde. Comme une manière d’anticiper une mobilisation politique fondée, non plus sur un projet, mais sur une indignation.
Déjà, dans l’ombre, Jordan Bardella affine sa posture. Le président du Rassemblement national, pur produit du système Le Pen, s’impose naturellement comme le plan B. Moins marqué par les années sulfureuses du parti, plus lisse, plus jeune, plus habile médiatiquement, il pourrait transformer une crise en opportunité : offrir à l’électorat national un nouveau visage, sans renier l’héritage.
Pour l’heure, le RN joue la carte de la solidité. Le discours est rodé : on parle d’acharnement judiciaire, de justice instrumentalisée, de démocratie confisquée. Une rhétorique bien connue, mais qui fonctionne encore auprès de l’électorat populaire, persuadé que le « système » se défend toujours contre ceux qui veulent le renverser.
Mais derrière les postures, une question demeure : que devient un mouvement politique dont le socle repose sur une lignée familiale, lorsqu’un maillon central vacille ? Marine Le Pen hors course, c’est la verticalité d’un récit qui se brise, c’est une transition précipitée, et un test grandeur nature pour un Bardella qu’on disait encore il y a peu en apprentissage.
Si elle est déclarée inéligible, ce serait sans précédent dans la Ve République : une candidate donnée au second tour dans trois scrutins successifs, empêchée par la justice. Les juges écrivent parfois l’histoire, à leur manière — sobre, implacable, et souvent plus brutale que les urnes.
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