Ils s’aiment, parfois vivent ensemble, élèvent des enfants, paient un crédit à deux, se promettent la fidélité – mais sans jamais signer de contrat. À travers l’Europe, les jeunes générations réinventent le couple sans passer par la case mairie. Selon Eurostat, le nombre de mariages continue de chuter, et ce dans presque tous les pays du continent. Un changement culturel profond, révélateur d’une mutation des valeurs, d’un rapport différent à l’amour, à la sécurité, et à l’institution.
Une institution qui ne fait plus rêver
Le mariage, autrefois symbole d’engagement, de stabilité et d’honneur social, ne semble plus en phase avec les aspirations des 20-35 ans. « Je n’ai pas besoin d’un papier pour prouver que j’aime quelqu’un », confie Inès, 29 ans, architecte à Bruxelles. Comme beaucoup, elle voit dans l’union libre une forme de liberté respectueuse, où le lien se fonde sur la volonté, non sur la loi.
La désaffection est particulièrement marquée chez les jeunes urbains, diplômés, souvent politiquement progressistes. Le mariage est perçu comme un héritage patriarcal, figé dans des rituels qu’ils jugent obsolètes, voire oppressifs. Une cérémonie coûteuse, une fête de l’entre-soi, un poids symbolique jugé inutile à l’heure des identités fluides.
Une génération désenchantée
Mais cette rupture va au-delà du rejet symbolique. Pour beaucoup, c’est aussi un choix pragmatique. Le marché de l’emploi est instable, les loyers explosent, la pression financière pèse. Pourquoi s’unir juridiquement quand on peine déjà à trouver un équilibre personnel et économique ?
La génération née dans les années 1990 et 2000 a aussi grandi dans un monde où les divorces sont devenus monnaie courante. Beaucoup ont vu leurs parents se séparer, parfois dans la douleur. Le mariage n’apparaît plus comme une promesse d’éternité, mais comme une formalité précaire, voire source de tracas juridiques.
D’autres formes d’engagement
Cela ne signifie pas pour autant que les jeunes rejettent l’amour ou la fidélité. Ils inventent de nouvelles formes d’union : pactes civils, cohabitation sans contrat, relations longues non exclusives. Certains célèbrent leur union dans des cérémonies non officielles, parfois spirituelles, parfois intimes, loin des normes traditionnelles.
En France, le PACS a connu une forte popularité, tandis qu’en Allemagne ou aux Pays-Bas, les « Lebenspartnerschaften » ou les contrats de cohabitation répondent à un besoin d’adapter le couple à la vie moderne. Le mariage reste, au fond, une option parmi d’autres – et de moins en moins perçue comme une étape nécessaire.
Une autre idée du couple
Ce refus du mariage est aussi politique. Il témoigne d’une génération en quête de sens, attentive aux inégalités structurelles, à la justice sociale, aux questions de genre. Le couple devient un espace de négociation, d’égalité, de co-construction. Moins sacralisé, plus humain.
« On veut pouvoir aimer sans appartenir », résume Léa, 32 ans, sociologue à Milan. L’amour ne disparaît pas – il se transforme. Et avec lui, les façons de l’instituer.