À treize ans, un adolescent européen a déjà vu plus de corps nus qu’un médecin de campagne en vingt ans de carrière. Ce n’est pas une hyperbole, c’est un fait. Une étude britannique récente révèle que l’âge moyen du premier contact avec la pornographie se situe autour de 11 ans. Ni les écoles, ni les familles, ni les États ne semblent capables de faire barrage à ce raz-de-marée numérique. La question n’est plus de savoir si les mineurs ont accès au porno, mais pourquoi tout leur permet d’y accéder aussi facilement.
Car enfin, il ne s’agit pas d’un bug technique, ni d’une simple faille dans l’éducation sexuelle. Il s’agit d’un système, d’un modèle économique, d’un choix politique par défaut. La pornographie en ligne est devenue une industrie aussi tentaculaire qu’invisible, dont la logique repose sur un accès illimité, immédiat, et souvent gratuit. L’économie de l’attention ne tolère pas les portes closes.
En Europe, les tentatives de régulation existent – sur le papier. La France, pionnière en la matière, a introduit en 2020 une loi obligeant les sites pornographiques à vérifier l’âge de leurs utilisateurs. Louable ? Peut-être. Appliquée ? À peine. L’ARCOM (ex-CSA), censée veiller à l’exécution de la loi, se heurte à des géants numériques qui jouent la montre, contournent les juridictions, ou installent des outils d’auto-contrôle dérisoires. Résultat : une législation molle face à une industrie fluide, nomade, presque insaisissable.
Mais pourquoi une telle inertie ? Parce que la pornographie rapporte. Et pas qu’aux plateformes spécialisées. Les maisons de production, souvent basées hors d’Europe, entretiennent des liens étroits avec des groupes publicitaires, des hébergeurs, et parfois même des géants du streaming ou des réseaux sociaux. Tout filtre, tout contrôle sérieux, serait une menace pour ce modèle économique fondé sur l’ultra-viralité et le volume de clics. Dans ce marché-là, l’éthique est une variable d’ajustement.
Certains parlent de liberté d’expression. D’autres de morale puritaine. Mais ce débat masque mal une vérité brutale : nous avons collectivement accepté qu’un enfant de dix ans puisse, en trois clics, accéder à des images que même un adulte peut difficilement regarder sans être marqué. Et pendant ce temps, les maisons de production continuent à exercer une pression douce mais constante : lobbying discret à Bruxelles, recours juridiques pour entraver les blocages, partenariats avec des plateformes de paiement ou de contenu. L’illusion de contrôle est totale.
On aimerait croire que l’Europe saura réagir avec dignité, modernité, et courage politique. Mais les signaux sont faibles. L’éducation sexuelle reste inégale, les parents sont souvent impuissants, et les gouvernements hésitent entre encadrement et abdication.
La vraie question, au fond, est celle-ci : voulons-nous vraiment protéger les mineurs ? Ou préférons-nous continuer à détourner le regard, sous prétexte que ce serait trop compliqué, trop liberticide, ou pas la priorité ?
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