Il n’y a pas de place pour deux grands-ducs. Henri de Luxembourg, qui a fêté ses 70 ans au printemps, l’a dit sans détour : après vingt-cinq années de règne, il entend céder la couronne à son fils aîné, Guillaume. Une abdication sans drame ni crise, simplement le désir assumé d’un monarque constitutionnel de prendre, dit-il, une « retraite » – un mot qu’il n’affectionne guère. Avec son épouse María Teresa, figure charismatique et souvent militante, le souverain a quitté le château de Berg pour le plus discret château de Fischbach, laissant à son héritier les fastes et les contraintes d’un trône dont il a su incarner la stabilité.
Cette transition, célébrée officiellement ce week-end, se déroule pourtant dans une relative indifférence. Dans ce pays de 677.000 habitants où près d’un Luxembourgeois sur deux est étranger – et jusqu’à 70 % à Luxembourg-ville –, la monarchie n’a pas le même magnétisme qu’ailleurs. Peu de portraits dans les vitrines, sinon celui d’Henri et de María Teresa qui résiste encore au Monoprix du centre-ville. Le passage de témoin se veut solennel, mais il ne soulève pas les passions.
Henri, mélange de rigueur germanique et de flegme britannique, s’est imposé par sa discrétion et son sens de l’équilibre. Catholique pratiquant, il avait, en 2008, demandé à être déchargé du pouvoir d’approuver les lois pour ne pas avoir à signer un texte légalisant l’assistance au suicide. Depuis, il n’est plus qu’un symbole : celui d’un État prospère, modèle de stabilité politique et champion européen de la richesse par habitant. Trois chefs de gouvernement en un quart de siècle, dont le célèbre Jean-Claude Juncker : le Luxembourg est un îlot de continuité dans une Europe troublée.
Reste à Guillaume et à son épouse Stéphanie, discrète comtesse belge dépourvue du charisme incandescent de María Teresa, d’habiter une fonction qui s’impose plus qu’elle ne séduit. La nouvelle génération n’aura pas l’aura glamour que l’exil havanais de l’ancienne grande-duchesse avait pu donner à la monarchie. Le devoir demeure, mais la fantaisie s’éteint. Au moment où s’éteint aussi une certaine idée du Luxembourg princier, plus coloré, plus incarné, qui s’efface derrière une monarchie sage, lisse, presque administrative.
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