À l’ombre des pins parasols et au bord des criques turquoise, la dolce vita estivale s’apprête peut-être à être troublée. Les îles Baléares – Palma, Ibiza, Minorque – s’annoncent en grève pour le mois de juillet. À la clef : aéroports ralentis, services publics perturbés, hôtellerie sous tension. En somme, une menace douce mais réelle sur le sanctuaire balnéaire de la bourgeoisie européenne.
Car ces îles, longtemps perçues comme le jardin d’été de l’élite discrète – plus Loro Piana que Zara, plus rosé bio que mojito fluo –, sont devenues en deux décennies des temples de la retraite civilisée. On ne va pas à Minorque, on s’y réfugie. On ne séjourne pas à Dalt Vila, on y médite. Et Palma n’est plus une destination, mais un état d’esprit, entre galerie d’art et lecture de Zweig sur une terrasse silencieuse.
Mais voilà que la réalité sociale espagnole frappe à la porte des villas blanchies à la chaux. Les syndicats locaux dénoncent des conditions de travail précaires, une inflation touristique non partagée, et réclament une revalorisation salariale. Derrière les façades léchées de l’hospitalité, c’est l’épuisement des invisibles qui s’exprime : femmes de chambre sous-payées, chauffeurs surexploités, jeunes saisonniers sans logement.
Et le vacancier parisien, barcelonais ou milanais, lui, est pris entre deux inconforts : celui de la grève – avions retardés, valises perdues, taxis absents – et celui de sa propre conscience. Peut-on exiger le confort tout en fermant les yeux sur l’exploitation qu’il suppose ? Peut-on siroter un jus de figue dans un silence immaculé, pendant que les serveurs, eux, défilent dans les rues de Mahón ?
Cette tension, douce et ironique, raconte quelque chose de notre époque. Le touriste éclairé, bobo et éthique, veut à la fois la beauté et la justice, le calme et la solidarité. Mais l’été, surtout en juillet, est rarement un temps pour la nuance.
La grève est donc là, suspendue comme un nuage sur l’azur baléare. Peut-être sera-t-elle levée. Peut-être transformera-t-elle les vacances en réflexion. Ou peut-être, tout simplement, faudra-t-il s’habituer à ce que même les paradis, eux aussi, se mettent en colère.
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