Les mois d’octobre et de novembre ont été marqués par une intensification des relations américano-kazakhes. Ces semaines ont vu une visite de haut niveau à Astana de Sergio Gor, envoyé spécial américain pour l’Asie du Sud et l’Asie centrale, et de Christopher Landau, premier secrétaire d’État adjoint, ainsi que la dernière visite du président Kassym-Jomart Tokaïev aux États-Unis. Le Kazakhstan demeure le partenaire le plus important des États-Unis dans la région.
De nos jours, l’Asie centrale est devenue un terrain de compétition entre les États-Unis et la Chine : les deux puissances y investissent largement, tout comme l’Europe, ce qui contribue à enrichir la région. Par ailleurs, les États-Unis figurent parmi les plus grands partenaires économiques du Kazakhstan, notamment dans le secteur pétrolier et gazier, avec 100 milliards de dollars d’investissements cumulés, soit environ 80 % de tous les investissements réalisés en Asie centrale. Depuis 1993, les investissements directs américains au Kazakhstan atteignent environ 61,2 milliards de dollars, représentant près de 13 % du total des investissements étrangers du pays. Au cours des cinq dernières années, le commerce bilatéral a doublé pour atteindre 4,2 milliards de dollars, ce qui reflète une croissance régulière de la coopération économique, selon Qazinform.
Avant le sommet États-Unis–Asie centrale, le président Tokaïev a eu un entretien en tête-à-tête avec le président Trump.
1. Visite de haut niveau au Kazakhstan de Sergio Gor et Christopher Landau
Le 29 octobre, Sergio Gor, envoyé spécial américain pour l’Asie du Sud et l’Asie centrale, et Christopher Landau, premier secrétaire d’État adjoint, se sont rendus à Astana afin de renforcer les liens stratégiques avec le Kazakhstan avant le sommet C5+1.
La visite de haut niveau comprenait des rencontres avec le président Kassym-Jomart Tokaïev et le premier ministre Olzhas Bektenov pour discuter de coopération économique, de sécurité régionale, et d’opportunités commerciales et d’investissement.
2. Augmentation des investissements américains au Kazakhstan
Le premier ministre Olzhas Bektenov a réaffirmé la volonté du Kazakhstan de créer un environnement favorable aux investisseurs. Le pays œuvre à améliorer le climat des affaires en simplifiant les procédures administratives, en renforçant la protection des investisseurs, et en mobilisant des institutions telles que le QG de l’investissement pour répondre à leurs préoccupations.
Les mesures récentes comprennent la création d’un « corridor vert » pour accélérer le traitement des projets, d’un « filtre du parquet » pour éviter les contrôles arbitraires, ainsi que la mise en place d’un Conseil pour l’attraction des investissements. Ces actions visent à accroître les investissements directs étrangers et à renforcer la transparence.
Dans le domaine financier et de l’investissement, la Société nationale d’investissement de la Banque nationale du Kazakhstan a signé des accords avec Brookfield Asset Management, Cerberus Capital Management et Ashmore Investment Advisors, pour un montant total d’environ 1 milliard de dollars, destinés au développement des infrastructures, du capital-investissement et du marché de la dette.
La Banque nationale du Kazakhstan et Visa Inc. ont également convenu de renforcer leur coopération dans les domaines des paiements numériques, de la cybersécurité et du soutien aux PME, grâce à la création d’un centre national de compétences, selon Inbusiness.kz (7 novembre 2025).
3. Coopération régionale
« Depuis le début du “Nouveau Grand Jeu”, plusieurs acteurs extérieurs ont cherché à exercer leur influence en Asie centrale, une région dotée d’immenses réserves d’hydrocarbures et d’une importance stratégique majeure. Les États-Unis comptent parmi les acteurs les plus puissants dans cette région. La seule superpuissance mondiale a développé d’excellentes relations avec le Kazakhstan, l’un des États les plus avancés d’Asie centrale en matière de réformes politiques et de démocratisation », écrivait F. Kukeyeva (2006).
Le Kazakhstan est donc l’un des partenaires clés des États-Unis dans la région. « Le Kazakhstan et les États-Unis partagent un intérêt commun : établir des oléoducs permettant de transporter les ressources énergétiques kazakhes en contournant le territoire russe. Le projet de pipeline transcaspien, qui serait relié à l’oléoduc Bakou–Tbilissi–Ceyhan, en est une illustration. Le Kazakhstan a besoin de l’expertise occidentale pour développer son secteur énergétique, et les grandes compagnies pétrolières multinationales, dont plusieurs sont américaines, sont prêtes à y contribuer », écrivait S. Spehr (2019).
La coopération régionale entre le Kazakhstan et les États-Unis s’intensifie, notamment à travers la plateforme diplomatique C5+1, qui encourage les partenariats économiques dans les minéraux critiques, la technologie et les infrastructures.
De nos jours, le Corridor médian gagne en importance, surtout après la signature de la paix entre l’Azerbaïdjan et l’Arménie. C’est la raison pour laquelle le président Tokaïev a exprimé le soutien du Kazakhstan aux initiatives de paix du président Trump, dont la Trump Route for International Peace and Prosperity (TRIPP), destinée à stimuler le développement du Corridor médian.
Lors du dernier sommet États-Unis–Asie centrale, tenu à la Maison-Blanche, Tokaïev a remercié Donald Trump d’avoir accueilli cet événement historique et a souligné que ce sommet marque une nouvelle ère de coopération entre les États-Unis et l’Asie centrale, après une décennie de dialogue sous la bannière du C5+1. Il a souligné que le potentiel de collaboration économique entre les États-Unis et le Kazakhstan – dans les secteurs de l’énergie, des minéraux critiques, de l’industrie, des transports, de la finance, de l’intelligence artificielle et de l’éducation – dépasse les 500 milliards de dollars.
4. Coopération économique
Quelques jours avant le sommet entre les dirigeants des États-Unis et des cinq pays d’Asie centrale, soit le 7 novembre 2025, le président Tokaïev a obtenu 17 milliards de dollars d’accords avec les États-Unis. La délégation kazakhe a tenu une série de réunions de haut niveau avec des responsables politiques et des chefs d’entreprise américains, débouchant sur la signature de 30 accords bilatéraux, d’une valeur totale d’environ 17 milliards de dollars, couvrant des domaines clés tels que l’industrie, l’énergie, la numérisation, l’éducation et l’innovation. Ces accords marquent une nouvelle étape dans le renforcement du partenariat stratégique entre les deux pays.
5. Coopération dans le domaine du transport
Les deux parties ont également discuté de nouvelles initiatives dans le domaine du transport et du transit, destinées à améliorer la connectivité régionale et l’efficacité des chaînes d’approvisionnement. La modernisation énergétique et l’adoption de technologies avancées ont également été identifiées comme des priorités.
Selon Qazinform, le Kazakhstan recevra 300 locomotives de fret américaines dans le cadre d’un contrat de 4,2 milliards de dollars. La coopération dans le secteur aérien s’est également développée, avec la signature d’une lettre d’intention entre Air Astana et Boeing pour l’achat de 18 nouveaux Boeing 787-9 Dreamliners.
De plus, la société nationale Kazakhstan Temir Zholy (KTZ) et Citibank ont signé un accord de mandat pour obtenir 1,6 milliard de dollars de financement sur dix ans, destiné au renouvellement de la flotte de locomotives de KTZ. La coopération américano-kazakhe dans les transports comprend donc la modernisation des infrastructures ferroviaires et le développement du transport aérien.
6. Coopération agricole
Lors de sa dernière visite aux États-Unis, le président Tokaïev a également renforcé la coopération dans le domaine agricole. À Washington, il a rencontré Csaba Lejko, président pour la CEI et l’Asie centrale de John Deere.
Depuis mai 2025, plus de 290 machines John Deere ont été assemblées au Kazakhstan, et 100 autres devraient l’être d’ici la fin de l’année. Un nouvel accord de partenariat stratégique de 2,5 milliards de dollars prévoit la production de 3 000 machines sur cinq ans, la création de trois centres de services, ainsi que le lancement de programmes de formation au sein d’AgromashHolding KZ, rapporte Qazinform.
7. Coopération dans la numérisation et l’intelligence artificielle
La transformation numérique et l’intelligence artificielle ont été identifiées comme des priorités stratégiques de la coopération future. Le Centre international pour l’intelligence artificielle Alem.AI du Kazakhstan, qui collabore avec Apple et Google, est devenu un pôle régional d’innovation, selon Caspian News.
Afin de renforcer les échanges technologiques et académiques, le Kazakhstan a récemment inauguré le Silk Road Innovation Center en Californie, conçu pour promouvoir la coopération entre universités et entreprises technologiques kazakhes et américaines.
Une réunion tripartite entre le ministère kazakh du Développement numérique et de l’IA, Beeline Kazakhstan et Starlink a conduit à la signature d’un protocole d’accord visant à introduire la technologie Direct-to-Cell lors de la visite du président Tokaïev aux États-Unis, selon Qazinform.
Cette visite a également ouvert de nouvelles perspectives dans le domaine du transport intelligent et des technologies propres. Le Kazakhstan a signé des protocoles d’accord avec BETA Technologies et Joby Aero Inc., d’une valeur d’environ 300 millions de dollars, pour développer l’aviation électrique, les taxis aériens et les systèmes de mobilité intelligente.
8. Coopération dans les minéraux critiques
Le Kazakhstan et les États-Unis ont également signé un protocole d’accord sur la coopération dans le domaine des minéraux critiques. Le document a été signé par le ministre kazakh de l’Industrie et de la Construction, Yersayin Nagaspayev, et le secrétaire américain au Commerce, Howard Lutnick, lors d’une réunion à Washington, selon le communiqué de la présidence kazakhe (Mining.com).
Le Kazakhstan dispose d’importantes ressources en matières premières critiques, notamment de vastes réserves d’uranium (premier producteur mondial), de chrome (deuxième producteur mondial) et d’éléments de terres rares. Le pays développe stratégiquement son secteur minier afin d’attirer les investissements étrangers, avec des efforts ciblés sur les minéraux pour batteries (lithium, cobalt, nickel) et les matériaux stratégiques tels que le tungstène et le tantale.
Le Kazakhstan est un fournisseur majeur de l’Union européenne et renforce désormais son partenariat avec les États-Unis pour garantir une chaîne d’approvisionnement stable dans ce domaine, selon le AIFC (11 novembre 2025). Ces dernières années, il est devenu un centre d’intérêt clé pour les investisseurs miniers, attirant près d’un milliard de dollars d’investissements privés, selon Mining.com (5 novembre 2025).
Tout comme l’Union européenne, les États-Unis manifestent un vif intérêt pour les matières premières critiques, essentielles à la transition énergétique et à la production d’énergies propres. L’UE et les États-Unis devraient devenir de plus en plus dépendants des importations de métaux rares.
9. Coopération dans l’éducation et la science
L’éducation et la science constituent un autre pilier de la coopération. Des accords d’une valeur totale d’environ 50 millions de dollars ont été signés avec l’Arizona State University, la Colorado School of Mines, Coursera, OpenAI et d’autres partenaires, afin de développer des programmes de double diplôme, des outils numériques d’apprentissage et des échanges académiques, selon Inbusiness.kz (7 novembre 2025).
La participation de la Colorado School of Mines vise à former des spécialistes pour les secteurs minier et métallurgique. En outre, le ministère de la Science et de l’Enseignement supérieur et l’Educational Testing Service (ETS) ont signé une feuille de route pour moderniser le système national d’évaluation kazakh en intégrant l’IA et l’apprentissage adaptatif.
Dans l’ensemble, ces accords illustrent la confiance croissante et la vision à long terme qui caractérisent la coopération Kazakhstan–États-Unis, fondée sur l’innovation, l’investissement et le développement durable.
10. Coopération militaire
Selon le Centre Marshall, la politique américaine au Kazakhstan constitue l’un des meilleurs exemples de coopération de défense réussie avec un pays non membre de l’OTAN.
L’agression russe en Ukraine et la menace persistante de l’extrémisme islamique justifient le maintien de l’engagement américain en Asie centrale. Il convient également de rappeler que durant la guerre en Afghanistan, le Kazakhstan fut l’un des partenaires les plus proches des États-Unis et de l’OTAN pour promouvoir la paix régionale.
Conclusion
L’Asie centrale est devenue plus centrale que jamais pour la diplomatie américaine. Le Kazakhstan représente un partenaire clé des États-Unis, en raison de sa position géopolitique stratégique, de ses ressources naturelles abondantes, de ses liens économiques solides et de son rôle en faveur de la stabilité régionale et de la diplomatie multivectorielle.
Selon l’Atlantic Council (8 novembre 2025), le Kazakhstan rejoindra également les Accords d’Abraham, un pacte diplomatique négocié par les États-Unis en 2020 pour normaliser les relations entre Israël et plusieurs pays à majorité musulmane. Cette initiative rapprochera davantage le Kazakhstan des États-Unis.
Il convient de rappeler que le Kazakhstan mène une politique étrangère multivectorielle, et que son adhésion aux Accords d’Abraham pourrait contribuer à renforcer le dialogue diplomatique et à favoriser la paix régionale.
Le Kazakhstan est le premier producteur mondial d’uranium et possède d’importantes réserves d’autres minéraux critiques tels que le tungstène, le cuivre et les terres rares, essentiels pour les technologies propres et l’industrie de la défense. En s’associant au Kazakhstan, les États-Unis diversifient leurs chaînes d’approvisionnement et réduisent leur dépendance à l’égard de concurrents tels que la Chine et la Russie.
Les deux pays ont également signé d’autres accords, notamment dans les secteurs de la santé et de l’industrie : Samruk-Kazyna et Ashmore Investment Advisors ont annoncé un projet de 150 millions de dollars pour créer la première clinique médicale pluridisciplinaire de marque occidentale au Kazakhstan.
L’ensemble de ces initiatives illustre l’entrée du partenariat États-Unis–Kazakhstan dans une ère nouvelle et dynamique, fondée sur l’innovation, les intérêts économiques partagés et une vision commune de la stabilité et de la prospérité régionales.
BIBLIOGRAPHY
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