Depuis octobre 2023, la bande de Gaza vit au rythme de la ruine et du fracas. Les images, trop nombreuses pour être encore regardées, circulent dans un brouillard de chiffres : morts civils, hôpitaux détruits, famine rampante. Et pendant que les bombes s’abattent, les capitales européennes murmurent, évitent, attendent. Comme si, face à l’une des plus graves crises humanitaires de la dernière décennie, l’Europe politique avait troqué sa voix contre la prudence diplomatique.
Faut-il y voir une stratégie de neutralité ? Une forme de réalisme cynique ? Ou, plus simplement, un manque de courage politique, aussi navrant qu’inquiétant ?
Une diplomatie de l’équilibre… qui penche toujours
Il faut reconnaître que le sujet est miné. Depuis des décennies, la question israélo-palestinienne divise les chancelleries européennes, tiraillées entre la mémoire de la Shoah, le soutien au droit international, les intérêts commerciaux, la peur du communautarisme intérieur, et les équilibres géopolitiques.
Mais ce qui frappe aujourd’hui, c’est le degré d’évitement moral. Tandis que les ONG alertent sur une catastrophe humanitaire à grande échelle, peu de voix, parmi les dirigeants européens, osent une condamnation franche. Les appels au cessez-le-feu sont devenus des formules rituelles, vidées de substance. Le langage est feutré, technique, euphémisé. Et le silence, trop poli, devient une forme de complicité passive.
Le coût politique du courage
Car prendre position, aujourd’hui, c’est risquer la controverse. Dire que le peuple palestinien souffre, c’est risquer d’être accusé d’anti-israélisme. Critiquer les méthodes de Tsahal, c’est se voir renvoyer à l’histoire de l’antisémitisme européen. Les dirigeants européens, échaudés par des débats internes inflammables, préfèrent donc la retenue, même quand l’histoire exige la clarté.
Mais à force de ménager toutes les sensibilités, ils n’affirment plus rien. L’Europe, qui se veut puissance morale, garante des droits humains, protectrice du droit international, ne parvient pas à aligner ses valeurs et ses actes.
Une impuissance qui n’est pas qu’institutionnelle
Certes, l’Union européenne n’est pas une puissance militaire. Son poids diplomatique est diffus, souvent lent, soumis à la logique du consensus. Mais l’impuissance n’est pas toujours une question de moyens. Elle est parfois une question de volonté.
Quand l’Europe veut, elle peut. Elle a su imposer des sanctions à la Russie, accueillir des millions d’Ukrainiens, parler d’une seule voix sur des sujets stratégiques. Pourquoi ce silence sur Gaza, alors ? Pourquoi cette gêne devant l’indicible ? Pourquoi cette incapacité à nommer ce qui est, au-delà des prudences lexicales ?
Le courage politique, cette vertu oubliée
Ce qui manque aujourd’hui, ce ne sont pas des communiqués de presse, ni des diplomates bien formés. Ce qui manque, c’est le courage. Le courage de dire, d’endosser l’impopularité, de préférer la justice à l’ambiguïté. Le courage de rappeler que défendre la vie des civils palestiniens n’est pas trahir Israël. Que dénoncer une opération militaire disproportionnée n’est pas légitimer le terrorisme.
Le courage, c’est aussi cela : refuser que la géopolitique écrase l’humanité. Et rappeler, même faiblement, que chaque vie civile compte, quel que soit le passeport ou le drapeau.
Conclusion : le silence est une politique, lui aussi
L’Europe ne manque pas seulement d’influence sur la scène moyen-orientale. Elle manque de voix. De conviction. De fermeté morale. À force de vouloir rester équilibrée, elle devient illisible. Et dans cette crise, où les civils meurent chaque jour, l’absence de courage n’est pas une neutralité — c’est un choix.
Avez-vous trouvé cet article instructif ? Abonnez-vous à la newsletter de notre média EurasiaFocus pour ne rien manquer et recevoir des informations exclusives réservées à nos abonnés : https://bit.ly/3HPHzN6
Did you find this article insightful? Subscribe to the EurasiaFocus newsletter so you never miss out and get access to exclusive insights reserved for our subscribers: https://bit.ly/3HPHzN6