Dans un monde saturé d’images mais affamé de vérité, la France s’est rappelée qu’elle est la patrie des Lumières. Ce week-end, par la voix de son ministre des Affaires étrangères, elle a demandé officiellement à Israël de laisser entrer les journalistes internationaux dans la bande de Gaza, pour documenter ce qui s’y joue, au-delà des communiqués militaires et des images floues.
La demande, sobrement formulée mais politiquement lourde, s’inscrit dans une tradition républicaine de la liberté de la presse, ce vieux totem français que l’on brandit parfois plus pour se souvenir de soi-même que pour convaincre l’autre.
Un territoire aveuglé
Depuis des mois, Gaza est une enclave close, théâtre d’une guerre asymétrique, où les journalistes étrangers sont interdits d’entrée sans escorte militaire — une situation qui rend tout récit fragmentaire, partiel, voire suspect. Les rares images qui filtrent proviennent de reporters locaux, souvent jeunes, sans protection, et dont les témoignages, bien qu’héroïques, peinent à franchir les filtres diplomatiques.
Dans les rédactions parisiennes comme dans les salles de presse européennes, l’exaspération monte. Comment rendre compte d’un conflit que l’on ne peut pas approcher ? À cette question, la France répond désormais par une autre : comment rester spectateurs sans se rendre complices ?
L’éthique contre la raison d’État
Le dilemme est connu : la raison d’État contre l’éthique journalistique. Et derrière, un autre duel, plus souterrain : celui du droit international contre la realpolitik. En réclamant l’accès pour la presse, Paris ne défie pas seulement Israël, mais aussi le silence prudent de nombre de ses alliés occidentaux, trop occupés à compter les équilibres pour écouter les témoins.
Mais un pays qui se veut phare ne peut pas se contenter d’une lueur diplomatique. Il lui faut parfois hausser la voix — même si elle tremble. C’est ce que tente la France, avec ce ton mesuré mais ferme qui dit tout sans brusquer : « la presse doit pouvoir témoigner. »
Un appel républicain ou un geste symbolique ?
Reste à savoir si cet appel changera quoi que ce soit. Les précédents sont peu encourageants. En Syrie, au Yémen, au Xinjiang ou en Ukraine, l’appel au droit d’informer est souvent resté lettre morte. Mais la parole française a ceci de particulier qu’elle porte davantage qu’elle n’avance. Elle inscrit dans le marbre moral ce que le réel refuse encore.
Et si la France échoue, elle aura au moins rappelé une chose essentielle dans le vacarme contemporain : il faut des témoins là où l’Histoire s’écrit dans le sang.
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