Peu de noms sont aussi intimement liés à l’histoire du cinéma que celui de Broccoli. Derrière cette consonance végétale, presque italienne de carte postale, se cache l’une des dynasties les plus puissantes — et les plus discrètes — d’Hollywood. Depuis plus de soixante ans, la famille Broccoli veille jalousement sur la franchise James Bond, comme on garde un trésor de famille. Et pour cause : sans eux, 007 ne serait peut-être qu’un personnage de roman de gare oublié dans les recoins feutrés d’un club anglais.
Tout commence avec Albert R. “Cubby” Broccoli, producteur italo-américain à la silhouette massive et au flair certain. En 1961, il acquiert les droits cinématographiques des romans de Ian Fleming, avec son associé Harry Saltzman. Le duo fonde EON Productions — acronyme d’“Everything Or Nothing” — et donne naissance, en 1962, à Dr. No, premier volet d’une série devenue mythique. Le succès est immédiat. Sean Connery incarne un espion viril et désinvolte, cocktail d’élégance britannique et de brutalité contrôlée, dans un monde où les méchants ont des îles privées et les voitures, des gadgets létaux.
Mais c’est bien la vision des Broccoli qui fera de Bond un mythe transgénérationnel, une figure indissociable du cinéma populaire occidental. Depuis les années 60, chaque film est une entreprise familiale, supervisée avec une rigueur quasi monarchique. Après la mort de Cubby en 1996, sa fille Barbara Broccoli et son demi-frère Michael G. Wilson ont repris le flambeau. Ensemble, ils ont façonné l’ère moderne de Bond — plus psychologique, plus tourmentée — tout en restant fidèles à l’ADN de la franchise : exotisme, style et géopolitique glamour.
Ce contrôle vertical, presque féodal, distingue Bond des autres sagas. Contrairement aux super-héros Marvel ou aux licences Warner, James Bond n’est pas un produit de studio, mais un empire privé. La famille Broccoli détient les droits, choisit les réalisateurs, les scénaristes, les interprètes. Chaque décision est pesée avec une minutie d’orfèvre — d’où la rareté des films : vingt-cinq en soixante-deux ans. Un rythme lent, mais gage de qualité.
Et l’Europe, dans tout cela ? Dès Bons baisers de Russie, la saga séduit un continent fasciné par cette élégance britannique exportée. Les tournages, souvent européens, les intrigues mêlant guerre froide et charme transalpin, font de Bond un héros plus européen qu’américain. Il incarne une certaine idée du raffinement occidental, un mélange de tradition et de modernité, de whisky et d’armes à feu. En France, en Italie, en Allemagne, Bond est un objet de culte, une icône culturelle autant qu’un phénomène commercial.
Alors oui, depuis que la famille Broccoli a planté les graines de la franchise, James Bond est devenu incontournable en Europe. Plus qu’un film, chaque épisode est un rendez-vous avec un imaginaire collectif, où le style est une arme, et l’élégance, une stratégie. Un art que les Broccoli, de père en fille, cultivent avec une patience toute britannique
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