Ils sont à peine 4 000, un chiffre presque dérisoire à l’échelle de l’humanité. Une ville moyenne, un amphithéâtre de conférences, ou un dîner un peu sélect. Pourtant, ils concentrent une part écrasante de la richesse mondiale. Les “milliardaires” — le mot sonne comme une anomalie grammaticale autant que morale — ne sont plus des figures excentriques de roman balzacien. Ils sont notre réalité politique, économique, culturelle. Le 1 %, cette élite presque mythologique, est devenue une force qui agit sur le monde à la manière d’un climat invisible : silencieuse, omniprésente, incontrôlable.
Mais qui sont-ils vraiment, ces maîtres discrets du réel ?
Des héritiers à l’ancienne, façon dynasties industrielles européennes ? Quelques-uns.
Des titans technologiques sortis d’un garage californien ? Un bon nombre.
Des oligarques russes, des magnats saoudiens, des spéculateurs de Shanghai ou des architectes du luxe globalisé ? Tous, à leur manière, incarnent une version différente du capitalisme contemporain. Aucun ne vend du pain. Tous vendent du pouvoir.
Le plus frappant, c’est que ces milliardaires ne vivent pas sur une autre planète – ils vivent au-dessus de toutes. Leurs enfants fréquentent les mêmes internats suisses, leurs jets se croisent sur les tarmacs privés, leurs fondations influencent l’éducation, la médecine, les arts et la presse. Leurs décisions déplacent plus d’emplois qu’un ministre, effacent des réglementations d’un revers d’avocat, façonnent l’imaginaire collectif à coups de films, d’algorithmes ou de philanthropie bien médiatisée.
On pourrait s’attendre à un déluge de scandales, à un réveil démocratique. Mais non. Le reste du monde, pétrifié entre admiration et ressentiment, regarde cette oligarchie planétaire avec un mélange d’envie et de résignation. Comme si le jeu était clos, les dés jetés. Comme si cette capture de la richesse par une poignée d’individus était désormais un principe naturel.
Le paradoxe est là : plus les inégalités explosent, plus la parole publique se fait morale, inclusive, émue. Mais la redistribution, elle, demeure timide, et l’audace fiscale s’évanouit à la frontière de chaque paradis. Les milliardaires, eux, se parent du vocabulaire de la vertu : durabilité, diversité, inclusion, neutralité carbone. Ils sont verts, sensibles, parfois même woke — mais jamais pauvres.
Peut-on encore penser la démocratie dans un monde où le pouvoir économique a changé d’échelle sans que la souveraineté politique ne suive ? Peut-on encore parler de mérite quand une fortune se transmet en silence sur trois générations ? Ce n’est pas un fantasme marxiste : c’est une question de santé publique.
Alors, qui sont-ils, ces 1 % ? Des noms, on en connaît. Ce que l’on comprend moins, c’est le système qui les fabrique, les protège, les reproduit. Et surtout : notre consentement plus ou moins tacite à cet ordre du monde.
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