Le choc est encore palpable à Bogotá. Samedi 7 juin 2025, Miguel Uribe Turbay, 39 ans, sénateur et candidat conservateur à l’élection présidentielle de 2026, a été grièvement blessé par balles alors qu’il s’adressait à ses partisans dans le quartier populaire de Fontibón. Touché à trois reprises, dont deux fois à la tête, l’homme politique est actuellement dans un état critique. L’attentat, filmé en direct, a bouleversé une Colombie qui croyait en avoir fini avec les fantômes de la violence politique.
Une scène d’horreur en plein meeting
Il était environ 17h quand des coups de feu ont retenti. Sur l’estrade, Miguel Uribe venait d’évoquer sa volonté de “rétablir l’ordre et la confiance dans les institutions”. En quelques secondes, son corps s’effondre. L’agresseur, un adolescent d’à peine 15 ans, est rapidement maîtrisé par les forces de l’ordre. L’arme, une Glock d’origine américaine, a été introduite illégalement dans le pays. Selon les premiers éléments de l’enquête, le tireur aurait été rémunéré pour l’acte. La précarité, une nouvelle fois, se révèle complice du chaos.
Une figure montante de la droite colombienne
Miguel Uribe n’est pas un inconnu. Petit-fils de l’ancien président Julio César Turbay et fils de la journaliste Diana Turbay, morte en captivité après son enlèvement par le cartel de Medellín en 1991, il incarne une droite républicaine et familiale, attachée aux valeurs d’ordre, de méritocratie et d’économie libérale. Avocat formé à Harvard, il est devenu sénateur en 2022, sous l’étiquette du Centre démocratique, parti fondé par l’ex-président Álvaro Uribe (sans lien de parenté direct).
Candidat déclaré à l’élection présidentielle de 2026, il s’était imposé comme l’alternative la plus crédible face à la gauche de Gustavo Petro. Son discours, s’il séduisait les classes moyennes urbaines, irritait aussi une partie des jeunesses populaires, fatiguées des élites et de leur déconnexion supposée.
Une attaque politique ? Une crise de régime ?
Le président Petro a dénoncé une “attaque contre la démocratie” et appelé à l’unité nationale. D’autres voix, dans la société civile, alertent sur un climat politique dégradé depuis plusieurs mois. L’agression de Miguel Uribe intervient dans un contexte de polarisation extrême, où les réseaux sociaux attisent les haines et où l’idée même de débat démocratique semble dissoute dans les affects.
Ce n’est pas seulement un homme qui a été visé, mais un symbole : celui d’un pouvoir conservateur qui revient sur le devant de la scène, après une décennie d’alternances fragiles.
Une jeunesse instrumentalisée, une démocratie à protéger
L’identité du tireur – un adolescent déscolarisé – interpelle. Recruté pour quelques billets, manipulé dans l’ombre, il témoigne de la décomposition sociale que connaît encore une partie de la Colombie. Que le politique puisse redevenir une cible, et que l’arme soit confiée à un enfant, illustre à quel point les fondations démocratiques du pays restent fragiles.
C’est une blessure morale autant que physique pour la nation. Et c’est aussi une alerte : la stabilité institutionnelle ne tient pas sans travail de fond sur la pauvreté, l’éducation, et le désarmement civil.
Et maintenant ?
Miguel Uribe lutte pour sa vie à la clinique Fundación Santa Fe. Sa femme, María Claudia Tarazona, a lancé un appel : « Il nous faut un miracle. » Les médecins parlent de réponse cérébrale minimale, et les jours à venir seront décisifs.
L’élection présidentielle, déjà très attendue, se retrouve bouleversée. Le parti d’Uribe doit décider s’il maintient sa campagne. La gauche, comme le centre, redéfinissent leurs positionnements. Mais, plus largement, c’est l’avenir du débat démocratique qui se joue.
La balle n’a pas seulement fauché un homme. Elle a visé une idée de la République. Celle où l’on peut être en désaccord, sans risquer sa vie. Celle où les désirs de justice ne se transforment pas en armes. En Colombie, ce combat reste inachevé