Il y a dans le tennis une forme d’élégance guerrière, un art de la solitude et du dépassement de soi qui séduit les esthètes. À Roland-Garros, cette année, la victoire a souri à deux visages de la nouvelle génération : Carlos Alcaraz, 22 ans, impérial chez les hommes, et Coco Gauff, 21 ans, sublime d’audace et de maîtrise, chez les femmes. Deux styles, deux trajectoires, mais une même promesse : celle d’un avenir déjà souverain.
Carlos Alcaraz, le feu sous le contrôle
Vainqueur en cinq sets d’un Jannik Sinner courageux mais dépassé (4-6,6-7,6-4,7-6,7-6), Carlos Alcaraz s’est imposé en patron sur la terre rouge de la Porte d’Auteuil. Le jeune Espagnol, que tout le monde désignait comme l’héritier naturel de Nadal, semble aujourd’hui tracer sa propre voie. Plus explosif que Rafael, plus instinctif que Djokovic, Alcaraz joue comme on peint : des fulgurances, des angles insensés, et une tension physique digne d’un ballet contemporain.
Dans un tournoi marqué par l’absence de Djokovic (forfait) et la dernière apparition discrète de Nadal, le Murcien a confirmé ce que l’on pressentait : il n’est plus un prodige, mais une institution. Et il le fait sans arrogance, avec une maturité rare. En conférence de presse, il parle du plaisir que lui procure le tennis, et évoque son envie de « créer des matches qu’on se souviendra comme on se souvient d’un jeune Nadal ».
Coco Gauff, la force tranquille
Chez les femmes, c’est une autre histoire — non moins fascinante. Face à la Polonaise Aryna Sabalenka, numéro 1 mondiale, Coco Gauff a livré une finale d’une intensité émotionnelle rare. Victoire en trois sets (6–7, 6–2, 6–4), dans une ambiance de théâtre grec. À 21 ans, l’Américaine incarne une forme de puissance moderne, à la croisée du sport, de l’engagement et du style.
Élevée dans la culture Wiliams mais affranchie de ses codes, Gauff est une joueuse complète, capable d’alterner la vitesse et l’attente, la rage et le contrôle. Elle ne se contente pas de gagner : elle inspire. Elle revendique un tennis qui n’est pas seulement technique, mais aussi puissant. Son triomphe à Roland-Garros est celui d’une femme noire, jeune, talentuese, et résolument tournée vers demain.
Une passation d’âmes, plus que de pouvoir
Cette édition 2025 marque peut-être la fin d’une époque. Celle où l’on attendait le retour des anciens. Federer est passé à autre chose. Serena aussi. Nadal s’éclipse, Djokovic s’efface. Mais ce n’est pas une révolution : c’est une transmission. Alcaraz et Gauff ne balayent pas le passé, ils le prolongent, l’illuminent d’une autre lumière. Ils sont la jeunesse sans l’insolence, la grâce sans l’arrogance.
Et le public, dans les travées ombragées de Roland, l’a compris. Il ne s’agit plus seulement de gagner, mais d’incarner. Et en cela, les deux champions de cette année sont bien plus que de simples vainqueurs : ils sont les symboles d’une époque qui cherche encore ses héros — et qui les trouve, parfois, une raquette à la main