Los Angeles — La télévision américaine, on le sait, adore les paradoxes. Et il fallait sans doute tout le flair de Ryan Murphy, orfèvre de la mise en scène des marginalités glamour (American Crime Story, Feud, Nip/Tuck), pour oser confier à Kim Kardashian le rôle principal d’une série judiciaire. Oui, Kim, l’icône planétaire du selfie calibré, du marketing de soi et de la silhouette photoshopée, sera avocate dans la prochaine création de l’un des showrunners les plus influents de notre époque.
Une série dramatique — All’s Fair— dans laquelle Kardashian incarnera une associée redoutable au sein d’un prestigieux cabinet d’avocats new-yorkais. Un rôle de pouvoir, de finesse juridique, et de conflits moraux à haute intensité. L’ironie est assumée : celle qui a fait de sa propre existence un feuilleton mondialisé incarne désormais une femme de loi, de texte, de procédure. Le clin d’œil est trop fort pour être fortuit.
La réinvention de l’icône post-réalité
Cette annonce, révélée par Variety et confirmée par Murphy, marque un nouveau tournant dans le processus de “réhabilitation culturelle” de Kim Kardashian. Depuis plusieurs années, celle qui fut longtemps cantonnée au statut de célébrité superficielle a opéré un virage stratégique : études de droit, engagement pour la réforme carcérale, visites médiatisées dans les prisons, plaidoyers en faveur de détenus condamnés injustement.
La série prolonge cette nouvelle narration. Elle ne met pas seulement en scène une avocate, mais une Kim “augmentée”, inscrite dans un récit où le pouvoir n’est plus celui de l’image, mais du verbe et de l’intellect. Ryan Murphy, qui maîtrise à merveille l’art de transformer ses interprètes en mythologies modernes, semble voir en Kardashian un corps politique, un levier narratif, une figure post-médiatique à interroger.
Du tribunal des réseaux à celui de la fiction
Le casting de Kardashian est, à sa manière, un miroir tendu à notre époque. Dans un monde où la justice se joue souvent d’abord sur les réseaux sociaux, où la notoriété peut précéder la compétence, la figure de l’avocate incarnée par Kim interroge cette fusion de la célébrité et de la crédibilité. Peut-on plaider avec 400 millions d’abonnés ? Peut-on être entendue quand on a fait fortune en se montrant ?
Mais c’est justement cette tension que la série promet d’explorer. Selon les premières indiscrétions, le personnage de Kardashian serait une femme brillante, certes, mais aussi confrontée aux stéréotypes que son apparence et sa réputation véhiculent. En d’autres termes : la série mettra en abyme ce que représente Kim Kardashian dans la culture populaire — entre caricature et revanche.
Une série entre satire et glamour juridique
Ryan Murphy ne fait jamais dans le réalisme brut. Son New York est toujours un peu baroque, ses personnages toujours plus grands que nature. On peut donc s’attendre à une série stylisée, où les dossiers juridiques croiseront les drames personnels, les joutes d’audience, les secrets d’alcôves et les tenues griffées. Un Suits version post-MeToo, avec des décors tirés de American Horror Story et la griffe visuelle de The Politician.
Kardashian ne jouera pas un rôle de composition. Elle interprétera une version extrapolée d’elle-même. Ce sera peut-être là sa plus grande performance : jouer à la fois contre son image et à travers elle. Un exercice de style qui, s’il réussit, pourrait bien redéfinir les contours de son empire personnel.