Jérusalem — À la faveur d’une nouvelle prise de parole martelée avec la gravité des grands virages historiques, Benjamin Netanyahu a affirmé, ce dimanche 19 mai, la volonté d’Israël de reprendre le contrôle “total” de la bande de Gaza. Une déclaration qui, sous couvert de lutte contre le Hamas, réintroduit une logique d’occupation que l’on croyait, sinon dépassée, du moins figée dans les archives d’un conflit gelé.
Selon le Premier ministre israélien, la présence militaire et administrative d’Israël serait désormais indispensable pour “garantir que l’aide humanitaire parvienne effectivement aux civils et ne soit plus détournée par les groupes terroristes.” Une manière, habilement formulée, de réinscrire la souveraineté israélienne dans un territoire que le pays avait officiellement quitté en 2005.
Une rhétorique de la nécessité, une stratégie de l’impasse
La rhétorique sécuritaire de Netanyahu s’inscrit dans une tradition désormais classique : présenter chaque renforcement du contrôle israélien comme un rempart contre le chaos. Mais ce retour à une logique de souveraineté militaire complète sur Gaza — l’une des zones les plus densément peuplées du globe — soulève d’immenses interrogations diplomatiques, humanitaires et stratégiques.
Les partisans du Premier ministre, au sein de la coalition la plus droitière de l’histoire d’Israël, y voient une reprise en main légitime d’un territoire “perdu”. Mais pour la communauté internationale, et notamment les chancelleries européennes, la mesure résonne comme une remise en cause de tout processus de paix à deux États.
Dans les travées du Conseil de sécurité de l’ONU, on s’inquiète d’un retour à une politique de fait accompli, qui renforcerait l’isolement d’Israël tout en radicalisant davantage la rue palestinienne.
Une crise humanitaire instrumentalisée
Ironie amère : c’est sous prétexte de faire parvenir l’aide humanitaire que le gouvernement israélien justifie cette reprise de contrôle. Les images de famine menaçant Gaza, relayées par l’ONU, ont précipité ces dernières semaines l’ouverture partielle de points de passage pour les convois humanitaires — mais sous surveillance israélienne stricte.
Pour Netanyahu, la présence du Hamas dans les circuits d’aide légitime une reprise en main de tout le territoire, au nom de la transparence et de la sécurité. Mais pour nombre d’observateurs, l’argument humanitaire masque une réalité plus triviale : la tentative d’éteindre une menace à sa racine par la reprise en main territoriale, coûte que coûte.
Le retour du fantasme de Gaza sous clé
Ce que la déclaration de Netanyahu dit en creux, c’est le retour d’un imaginaire militaire de Gaza : non plus une entité politique autonome — aussi dysfonctionnelle soit-elle — mais un espace à reconfigurer depuis l’extérieur, à neutraliser par la force et à administrer sans horizon clair. Une forme de retour à la case départ, qui ne dit pas son nom.
Le conflit devient ainsi une guerre de gestion, plus qu’un conflit de reconnaissance. Les États-Unis restent silencieux, tandis que l’Europe émet des communiqués sans conséquences. Et pendant ce temps, le réel se redessine à coups de tranchées, de frappes chirurgicales et de reconfigurations tactiques.
Une paix de plus en plus théorique
Dans ce contexte, la solution à deux États, déjà exsangue, semble reléguée au rang de mythe diplomatique. Reprendre le contrôle de Gaza, c’est enterrer un peu plus l’idée d’une coexistence politique viable, et affirmer que seul un rapport de force permanent peut garantir la sécurité.
Mais jusqu’à quand ? Car l’occupation, même humanitaire, a toujours un coût : moral, diplomatique, stratégique. Et si la déclaration de Netanyahu rassure ses alliés les plus durs, elle inscrit Israël dans une logique d’enfermement mutuel avec Gaza, où le sécuritaire finit toujours par engendrer du tragique.