Time consacre les architectes de l’intelligence artificielle, nouvelle puissance du siècle
Il n’y aura pas, cette année, une figure tutélaire, mais une constellation. En 2025, Time a choisi de rompre avec la personnalisation classique de son prestigieux titre de « personnalité de l’année » pour distinguer un collectif : les architectes de l’intelligence artificielle. Une décision qui dit beaucoup de l’époque — et de la nature diffuse, systémique, presque insaisissable du pouvoir contemporain.
Sur la Une du magazine américain, conçue comme une peinture manifeste, huit figures majeures de l’IA sont représentées assises sur une poutre métallique, suspendues au-dessus d’une ville futuriste. L’image, hommage direct à la célèbre photographie d’ouvriers construisant un gratte-ciel new-yorkais au début du XXᵉ siècle, inscrit l’intelligence artificielle dans une filiation claire : celle des grandes révolutions industrielles, capables de redessiner à la fois les paysages et les destins humains.
Parmi ces figures, les noms les plus influents de la tech mondiale : Sam Altman (OpenAI), Jensen Huang (Nvidia), Elon Musk (xAI), Mark Zuckerberg (Meta), Lisa Su (AMD), Demis Hassabis (DeepMind), Dario Amodei (Anthropic), et Fei-Fei Li, professeure à Stanford et figure morale souvent surnommée la « marraine de l’IA ». Ensemble, ils incarnent une force à la fois collaborative et concurrentielle, engagée dans une course technologique dont les enjeux dépassent largement le cadre économique.
« L’IA est devenue l’outil le plus influent dans la compétition entre grandes puissances depuis l’avènement des armes nucléaires », écrit Time, posant ainsi un parallèle aussi vertigineux que glaçant. Car ce qui se joue ici n’est pas seulement une innovation de plus, mais une infrastructure globale : des milliards de dollars investis, des politiques publiques réorientées, des équilibres géopolitiques déplacés, et désormais, l’entrée des machines intelligentes dans l’intimité des foyers.
Contrairement aux précédentes distinctions — Donald Trump en 2024, Taylor Swift en 2023 —, cette reconnaissance ne célèbre ni le charisme ni la popularité, mais l’influence brute. Depuis 1927, Time rappelle que son choix n’est jamais un jugement moral, mais un constat historique. De Charles Lindbergh à Adolf Hitler, la distinction a toujours reflété l’impact, parfois inquiétant, d’une figure ou d’une force sur le cours du monde.
En consacrant les architectes de l’IA, le magazine entérine une évidence : le pouvoir ne se concentre plus seulement dans les palais présidentiels ou les institutions internationales, mais dans des laboratoires, des serveurs, des lignes de code. Un pouvoir discret, algorithmique, souvent opaque, mais déjà déterminant pour l’information, le travail, le climat et la démocratie elle-même.
Reste une question, suspendue comme cette poutre au-dessus du vide : ces nouveaux bâtisseurs construisent-ils un édifice commun ou une tour dont nul ne maîtrise encore les fondations ? À défaut de réponse, Time aura au moins capté l’instant exact où l’histoire bascule — silencieusement, mais irréversiblement.
Avez-vous trouvé cet article instructif ? Abonnez-vous à la newsletter de notre média EurasiaFocus pour ne rien manquer et recevoir des informations exclusives réservées à nos abonnés : https://bit.ly/3HPHzN6
Did you find this article insightful? Subscribe to the EurasiaFocus newsletter so you never miss out and get access to exclusive insights reserved for our subscribers: https://bit.ly/3HPHzN6
